1636 – Le marché de La Garnache rétabli par la poétesse Anne de Rohan

À la mort de sa sœur aînée, Henriette, Anne de Rohan-Soubise devint « dame des Baronnies de La Garnache, Beauvoir sur Mer, des Isles de Montz et marches communes d’entre Poictou & Bretaigne. » Quelques années plus tard, grâce à des documents signés en avril 1636, on apprend qu’elle est entre autres à l’origine du rétablissement du marché de La Garnache, à la demande de ses sujets. Un marché qui avait lieu « de tout temps immémorial » le samedi, « fréquenté de tous les marchandz et habitans des lieux circonvoisins… » mais qui fut « comme interrompu » suite aux troubles des longues guerres de religion… La Garnache fut une place forte protestante. Il y eut une terrible bataille en 1588 ; la vie était très difficile pour les Garnachois à cause de la garnison qui occupait le château… Enfin, Louis XIII fit démolir les remparts en 1622 – Anne était la sœur de Benjamin de Rohan, seigneur de Soubise, l’un des chefs du parti huguenot qui combattait le roi…

Mademoiselle Anne de Rohan – gravure de Balthazar Moncornet (1598-1668) – gallica.bnf.fr

Obligation de vendre à La Garnache sous peine d’amende

Cependant, les marchands de la baronnie avaient dû trouver d’autres marchés, et ils eurent alors l’obligation de revenir à La Garnache. Il fut enjoint « très expressément a tous nos subjectz et vassaux traficquants de bled, vivres, denrées et autres marchandises, d’en apporter ou envoyer tous les samedis au marché, en nostre ville, et de les exposer en vente, en nombre et quantité suffizant… » sous peine d’amende, «  contravention » ou « punition exemplaire, » contraintes « par toutes voyes & rigueurs de justice.» Il leur fut également interdit de vendre des produits en d’autres places avant de les avoir proposés à La Garnache. En contrepartie, Mademoiselle de Rohan leur abandonna pour deux ans les droits de minage. Ainsi, « permettons a tous les marchandz de vendre, acheter et mesurer les bledz aux boiceaux de nostre dicte baronnie de La Garnache, ou celle dudict Beauvoir sur Mer, ou autre seigneurie circonvoisine… »

Protestante et poétesse

Après cela, on sera étonné de découvrir qu’Anne de Rohan était aussi une femme de lettres, poétesse, comme sa mère Catherine de Parthenay. Pourtant on lui doit de nombreuses poésies, d’une grande qualité, et « ne se ressentent nullement de la sévérité de sa vie, » écrit Edouard de Barthélemy, qui publia les œuvres d’Anne de Rohan en 1862. Protestante très stricte, héroïque, Anne pouvait aussi écrire des poèmes d’amour…

Je ne repose nuict ny jour
Je me brusle, je meurs d’amour,
Tout me nuit, personne ne m’aide,
Ce mal m’oste le jugement,
Et plus je cherche de remède
Moins je trouve d’allégement
Je suis désespéré, j’enrage;
Qui me veult consoler m’outrage (…)

Autre exemple, quelques vers tirés d’un poème très musical – très moderne – dédié à sa défunte sœur, Henriette de Rohan :

Aux fontaines __ dans les plaines
D’oeuillets pleines __ et de lys
Languissante, __ je lamente
D’être absente __ de Philis.
Lorsque j’entre __ dans quelque antre
Ou au centre __ des taillis,
Je vois dire __ mon martyre
Et soupire __ pour Philis (…)

Les marchés de La Garnache ont lieu de nos jours le jeudi matin, place de la Mairie. Ce n’est pas loin de l’ancien Champ de foire : l’actuel square du Grand-pont. Ce « grand pont » qui était autrefois le pont-levis permettant d’entrer dans le bourg fortifié. Les marchés se déroulaient là, aux portes de la ville, au bord des douves…

Sources : Philippe Jaunet (bulletin de la Société d’histoire de Challans 2006) ; Michel Gruet et Jean-Michel Audéon (Documents curieux et anecdotiques pour servir à l’histoire de Challans et ses environs) ; gallica.bnf.fr ; recherches LNC.


© Les Nouvelles de Challans, 26 septembre 2022 – Didier LE BORNEC

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