Vendée années 1860 – La bûche de Noël, une « assurance contre l’incendie »

Bien sûr, il n’est pas question de bûche glacée… ni pâtissière… mais de la « cosse de Nàu, » cette grosse bûche que l’on faisait brûler dans la cheminée à Noël, et dont on conservait quelques tisons afin « de se garer de la foudre, de protéger sa maison ou les récoltes… » Nous y avons déjà consacré un article en 2021, ainsi qu’à la « cosse de Nô » du chanoine luçonnais Pierre-Louis Pruniernàu, nô, neau… le patois s’écrit… comme chacun l’entend. Cette fois, nous avons trouvé deux nouvelles descriptions encyclopédiques, très intéressantes, de cette vieille tradition ; l’une dans le Glossaire du Poitou de la Saintonge et de l’Aunis de Léopold Favre (1817-1891) – édité à Niort en 1867 ; – l’autre dans le Dictionnaire du patois saintongeais de Pierre Jônain (1799-1884) – édité à Royan en 1869 (1).

(1) Avec ses particularités, le patois vendéen, notre parlanjhe, fait partie du patois poitevin saintongeais, ou bas-poitevin… et les traditions « avec leurs particularités… » sont les mêmes au moins dans tout le Poitou.

Une définition détaillée et amusante chez Léopold Favre

A l’entrée « Nau » du Glossaire du Poitou, on lit : « NAU, s.m. La fête de Noël. Du gaël irlandais nouaz, nouveau (2). La bûche de Noël joue un grand rôle dans les traditions populaires. Pour se préserver de l’incendie, il faut mettre une bûche dans le foyer, la nuit de Noël à minuit, faire une prière devant, puis la retirer et l’éteindre. Pendant huit jours on la met un instant dans le foyer, puis on la retire et on l’éteint. Le huitième jour, on prend un morceau de charbon de cette bûche, et on le conserve toute l’année. C’est un préservatif certain contre l’incendie. » Et Favre ajoute une note ironique : « Comme les idées changent dans ce monde, aujourd’hui beaucoup de personnes, tout en conservant un morceau de charbon de la bûche de Noël, poussent la prévoyance jusqu’à s’assurer à une compagnie contre l’incendie. Mais, selon la tradition, c’est là une précaution bien inutile. »

(2) Nous avons trouvé le gallois naw qui signifie neuf ; mais la racine est indo-européenne : gen(e), ou gnē, dont le sens est engendrer, naître. Et Noël (nael) vient de Natalis dies : le jour de naissance (du Christ).

Boire un petit coup c’est agréable… en roulant la bûche

De son côté, Pierre Jônain manque d’humour, mais il dévoile de nouveaux détails sur « la buche de neau… » Selon lui, cette « bûche de Noël était célèbre à l’époque peu regrettable que ceux qui l’exploitaient appellent le bon vieux temps, où le peuple ne pouvait songer qu’à bien boire, s’il pouvait, les dimanches et fêtes, et à bien servir, tous les autres jours. La veille de Noël on choisissait une grosse bûche, qu’il fallait rouler au foyer avec des leviers de paille, et chaque fois qu’un levier cassait on buvait un coup. L’Eglise, habile à transiger avec ces idées, comme avec celles de sortilèges et de miracles, en vint jusqu’à bénir ce tison de nau et à laisser attribuer de la vertu à ces charbons que l’on gardait, ne plus ne moins que des reliques et avec des résultats tout semblables. »

Joyeux Noël !

Sources : Claude Mercier et Michel Gautier ; le Glossaire du Poitou de la Saintonge et de l’Aunis de Léopold Favre et le Dictionnaire du patois saintongeais de Pierre Jônain (Bnf Gallica) ; recherches et documents LNC.


© Les Nouvelles de Challans, 21 décembre 2024 – Didier LE BORNEC

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