« Vif, ami du plaisir jusqu’à l’excès, moqueur… » le caractère du Challandais en 1842

Dans l’ouvrage Documents curieux et anecdotiques pour servir à l’histoire de Challans et ses environs, paru en 1988, et écrit par Michel Gruet et Jean-Michel Audéon (1), on trouve une… curieuse Notice sur Challans tirée d’un autre document au long titre : les Étrennes administratives, commerciales et biographiques du département de la Vendée (2).

Dans le numéro de 1842, les Étrennes avaient souhaité « consacrer un instant (leurs) pensées et (leur) plume à la gloire (de cette) petite ville qui nous est parfaitement connue, quoique reléguée au fond du département… » Challans (!) Et il s’agit d’un article exceptionnel, car il donne une description complète – un peu flatteuse… – de notre commune au milieu du 19e siècle.

Les débuts de Challans selon les Étrennes

Par « son heureuse position entre le bocage et le marais, » Challans fit comprendre « qu’il était de l’intérêt des particuliers et du pays que sa population s’accrût. » Aussi, « une foule d’étrangers laborieux y vinrent porter leurs connaissances et leur industrie. Peu à peu la localité s’agrandit, la longue rue qui forme aujourd’hui presque toute la ville se peupla de commerçants, d’artisans habiles, et depuis, c’est d’elle que sortent presque tous les ouvrages remarquables des environs. »

L'arrivée à Challans au XIXe siècle
L’arrivée à Challans au XIXe siècle (document Shenov)

Portait type du Challandais… et du maraîchin

Mais la revue est beaucoup moins flatteuse quand elle dresse le portrait du Challandais et du maraîchin… :

« Le challandais est vif, ami du plaisir jusqu’à l’excès, fier, parfois même moqueur et provoquant ; son humeur tient un peu de la différence dans les caractères des populations qui s’y rassemblent. L’habitant du bocage est tenace, négligé dans ses goûts et sa personne, peu communicatif, mais patient, ami du travail, religieux et constant dans ses affections. L’habitant du marais est gai, hardi, d’une propreté remarquable, d’une conversation attachante, mais hautain, prétentieux, trop exigeant, et puisque nous faisons si hardiment la part des uns et des autres, ajoutons encore qu’à Challans on reproche aux gens de la campagne des défauts dont la ville n’est peut-être pas parfaitement pure ; de la mauvaise foi, de l’intempérance poussée à un tel point d’ivrognerie qu’elle est devenue proverbiale, et que l’on dit malicieusement : les maraîchins viennent à Challans sur l’eau et s’en vont en vin. Mais où trouver un peuple sans défaut ? Les Challandais pour être Vendéens, sont hommes, et ne sait-on pas qu’il n’est aucun beau jour sans nuages et que le Soleil même a ses taches ? »

Challans dans le détail

Pour revenir à la ville, les Étrennes vendéennes la décrivaient ainsi : « Chef-lieu de canton, place de commerce, située à onze lieues des Sables, elle est le point de réunion de plusieurs grandes routes ; on en compte six qui sont, pour cette heureuse et jolie ville, non moins un agrément qu’une garantie certaine de prospérité. Tous les jours une voiture [diligence], portant les dépêches et toujours pleine de voyageurs, arrive de Nantes à 2 heures de l’après-midi, et part le lendemain à 7 heures du matin. »

Pour situer l’époque : la mode parisienne en 1840 (document BnF-Gallica)

Pour accueillir les visiteurs « plusieurs hôtels parfaitement tenus, offrent aux voyageurs toutes les commodités désirables. Un marché, très florissant, rassemble à Challans, chaque mardi, toutes les communes environnantes ; des marchands dits chevrottins viennent y chercher le beurre, les œufs, la volaille et le gibier qui doivent approvisionner les marchés de Nantes… »

L'Hôtel des Voyageurs à Challans au début du XXe siècle
L’Hôtel des Voyageurs à Challans au début du XXe siècle

« On trouve à Challans tous les secours qui rendent la vie heureuse et tranquille ; des médecins, apothicaires… ; tous les officiers civils des cités importantes ; tous les moyens de transports que semblent solliciter tant de belles routes ; plusieurs voitures à volonté ; tous les genres de commerce, les draps, l’épicerie, l’orfèvrerie, mercerie et soieries ; un établissement de librairie et de reliure, dirigé par M. Micheau ; tous les métiers, horlogers, bouchers, cordiers… »

Bientôt une église neuve… et un canal !

« On regrette néanmoins de ne pas voir dans cette belle localité une église plus grande, plus majestueuse et plus riche ; toutefois, on a l’espoir d’en bâtir une autre prochainement. » La nouvelle église sera terminée 55 ans plus tard, en 1897. « On sent aussi le besoin d’une place de marché, d’un lavoir, etc… ; mais il est permis de tout espérer pour une petite ville qu’une très-intelligente administration tend à rendre le point le plus important de la basse Vendée. On parle pour elle d’une Sous-Préfecture, d’un canal, qui sait même si on n’y établira pas un chemin de fer quelque jour ? » De ce côté, il faudra attendre 1896. Quant au marché, le conseil municipal de Challans se réunira justement le 17 décembre de cette année 1842, et votera la création d’un « nouveau quartier » avec un « nouveau marché couvert » : des halles qui ouvriront en 1846 sur l’actuelle place Aristide Briand.

Les halles de 1846 dont le projet fut voté en 1842

(1) Documents curieux et anecdotiques pour servir à l’histoire de Challans et ses environs, par Michel Gruet et Jean-Michel Audéon – Société d’histoire et d’études du pays Challandais, 1988 (consultable à la Shenov).
(2) Ou Étrennes vendéennes, publication annuelle, de type almanach d’un petit format, publiée de 1840 à 1843 par Nairière-Fontaine, libraire éditeur à Fontenay-le-Comte.

Sources : Michel Gruet et Jean-Michel Audéon (Shenov) ; documents BnF-Gallica ; les Archives de la Vendée ; recherches LNC.


© Les Nouvelles de Challans, 07 juillet 2022 – Didier LE BORNEC

Impression ou PDF de l'article (vérifiez le format pour les photos)