Au 19e siècle, l’engouement pour les cures thermales va donner naissance à l’industrie des eaux minérales. Chacun cherche sa source, et Noirmoutier a la sienne, celle « du Puits Pignolet ou de la Passe, située à trois cents mètres de la ville sur le chemin du bois de la Chaise… » C’est ce qu’indique le docteur Ambroise Viaud-Grand-Marais (1833-1913) dans son fameux Guide du voyageur à Noirmoutier.
Limpidité « irisée » et acide chlorhydrique
Il précise ensuite : « Le fond du puits est une argile compacte, jaunâtre et mélangée de mica ; la source en jaillit perpendiculairement et avec abondance. L’eau est reçue dans un bassin de 5m30 de profondeur, où elle se maintient presque toujours à une hauteur de 4m à 4m1/2. » Aussi, « elle pourrait donner plus de 900 litres par jour. » Quant à l’eau : « sa limpidité est parfaite, » même si l’on voit nager à sa surface « des pellicules irisées. » En outre « elle se conserve longtemps sans altération. » Son goût est « fade et magnésien, son odeur nulle (…) Elle ne pétille pas quand on l’agite (…) Chauffée avec précaution elle laisse échapper de l’acide carbonique, » ou de l’acide chlorhydrique résultant de la décomposition de chlorures si l’évaporation n’est pas faite avec ménagement… »
Désagréable mais médicamenteuse
Selon Viaud-Grand-Marais, le puits avait été creusé voilà « fort longtemps par les habitants à la recherche d’une source potable rapprochée de la ville. » Mais il fut abandonné… « à cause de la saveur désagréable de son eau. » Le temps passa, on oublia ce détail, et on le rouvrit vers 1750…
« croyant toujours trouver ce qu’on cherchait, mais le liquide ne fut pas reconnu meilleur que la première fois. »
Pourtant, à la même époque, un médecin jugea cette eau « médicamenteuse. » Aussi « il en prescrivit l’usage à plusieurs de ses malades, qui s’en trouvèrent bien. » Pendant la Révolution la source retomba dans l’oubli. « Elle fut retrouvée par hasard en 1804, par Pignolet, officier de santé attaché à l’hôpital militaire de l’île, et par F. Piet, alors maire de Noirmoutier. »
Ferrugineuse et saline… pour les joies de la maternité
« M. Pignolet l’essaya a l’aide du cyanoferrure de potassium et obtint la couleur bleue, signe de la présence du fer. » Après cela, « l’eau (…) fut reconnue chlorurée, magnésienne et ferrugineuse. » Une nouvelle fois « administrée à divers malades, elle donna d’excellents résultats, non seulement comme médicament ferrugineux, mais aussi par le fait de sa composition saline. De jeunes femmes lui attribuèrent les joies longtemps désirées de la maternité, et l’on vit disparaître sous son influence des affections rebelles de la peau, tenant à l’atonie de l’organisme. » Plus tard, des analyses firent apparaître « les principes minéralisateurs de l’eau de Pignolet, » lesquels sont « les chlorures de magnésie, de soude et de chaux, des carbonates et des sulfates terreux en petite quantité et du carbonate de fer. »
Dommage, le puits n’existe plus de nos jours. Mais la source d’eau minérale qui l’alimentait est peut-être à re-re-redécouvrir… ?
Avec le secours de « sirops ou de bonbons »
A l’époque, le docteur Viaud-Grand-Marais et des personnalités locales voyaient un grand avenir à ce puits. On annonça : « il va être creusé de nouveau ; une gardienne chargée de le surveiller distribuera l’eau aux buveurs, moyennant une faible rétribution, et tiendra à leur disposition des sirops ou des bonbons pour en masquer le goût » !
Cela ne se fit pas. Dans une réédition du guide, huit ans après, en 1892, on put lire : « le puits Pignolet est dans un tel état qu’on ne peut songer pour le moment à l’utiliser. » Pourtant… « il serait facile, même sans y établir une buvette, comme on en voit dans les stations d’eaux, d’en tirer parti à peu de frais. Il suffirait de le nettoyer et de le mettre à l’abri des immondices que les enfants se plaisent à y jeter, en le fermant avec une porte dont la clé serait déposée dans une maison voisine. La gardienne accompagnerait les buveurs, moyennant une faible rétribution. »
Mais bien entendu : « comme toutes les eaux d’une certaine valeur, l’eau de Pignolet ne peut être prise à toute dose, dans toute circonstance et sans conseils… »
Enfin, cette source n’était pas la seule à exploiter : « d’autres plus ou moins ferrugineuses et contenant des sels de diverses espèces existent dans l’île, en particulier au voisinage des chalets. Les puits de la ville fournissent une eau dure, qui dissout mal le savon. Les eaux d’Aquenette et de la Touche sont, au contraire, parfaites au point de vue de la boisson » et des usages domestiques…
Aujourd’hui, l’eau potable distribuée sur l’île de Noirmoutier provient du barrage d’Apremont (75%) et du barrage du Jaunay (25%) ; elle est stockée dans trois réservoirs, à l’Herbaudière (Noirmoutier en l’Île), la Guérinière, et Barbâtre…
Sources… : Ambroise Viaud-Grand-Marais, Le Guide du voyageur à Noirmoutier ; Archives de la Vendée ; Vendée eau ; recherches LNC.
© Les Nouvelles de Challans, 12 mars 2022 – Didier LE BORNEC