Eté 1939 – Boris Vian arrive à Saint-Jean-de-Monts par « le tortillard »

Dans Les Vies parallèles de Boris Vian, Noël Arnaud écrit : « … le 11 novembre 1951, un soir qu’il est triste et qu’il parcourt sa vie « à rebrousse-poil, » Saint-Jean-de-Monts lui revient en mémoire, Saint-Jean-de-Monts en 1939 [Boris Vian a 19 ans] : il y retournera sept ans plus tard pour y écrire J’irai cracher sur vos tombes. » Un roman qu’il présentera comme une traduction de Vernon Sullivan, « jeune auteur américain… » mais qu’il a entièrement inventé – le but étant de produire « un best-seller » pour « rétablir les finances » de son ami éditeur Jean d’Halluin.

Boris Vian (détail d’une pochette de disque vinyle de 1968 – collection LNC)
Entre Croix-de-Vie et Saint-Jean-de-Monts

En attendant 1946, Boris Vian se souvient : « … Des vacances qui m’ont marqué. Des vacances à Saint-Jean-de-Monts…
« C’est les vacances de l’été 39 avant la guerre. Juste avant.
« En été 39, j’ai râlé. Je venais d’être reçu à Centrale et j’avais ma Monette qui allait à Croix-de-Vie et mon ami Zizi à Saint-Jean-de-Monts tout près quasiment, et il m’a dit viens donc, on sera 7 jours seuls, mes parents arrivent plus tard (…) »

L’ami Parisien devenu Challandais

Zizi est Roger Spinart, futur ingénieur, comme Boris Vian. Il sera entre autres son témoin à son mariage, le 3 juillet 1941, mairie du 10e arrondissement de Paris [mais alors, Boris Vian n’épousera pas « Monette D. » Les vacances ne se passeront pas très bien… « J’ai été emmerdé par elle… » Sa première femme sera Michèle Léglise. Divorce le 20 janvier 1953. Remariage en 1954, mairie du 18e, avec Ursula Kübler, son « Ourson l’Ursula. » Mais tous deux s’étaient rencontrés en 1950, et vivaient ensemble depuis 1951…] Roger Spinart était né en 1920 à Saint-Maur-des-Fossés, dans le Val-de-Marne (94), et il est décédé… à Challans, le 15 mars 2005 en soirée. Il demeurait rue de Nantes…

Le « tortillard à travers le marais vendéen »

De ce voyage de 1939, Boris Vian se souvient du sable, des pins, de l’océan… mais avant tout, du train. C’est « un de mes souvenirs formidables. De liberté, au fond. On est dans le train avec Zizi. Des couchettes. Pas un chat. On a rigolé comme des cons (…) On est arrivés à la halte, au diable. Jamais été sur l’Océan. L’air formidable. On attend le tortillard. Il n’existe plus maintenant. Mais cette balade à travers le marais vendéen c’est vague. Mais c’est une impression de paradis que j’ai encore. Les galettes de bouse, les tranchées d’eau dans la terre noire [les étiers]. Tout plat l’horizon gris océan ou pas, mais comme. Le plancher rugueux, terreux du wagon, avec les têtes brillantes des clous usés. C’est six heures du matin. Etre debout à cette heure-là, ça fait toujours une espèce de joie de conquête. »

L’arrivée à Saint-Jean-de-Monts quelques années plus tôt…

Et enfin… « l’arrivée. J’y ai réété à Saint-Jean depuis, alors je dois mélanger les deux. Je sais le sable, les pins. D’emblée, une rencontre, Zizi il connaissait tout le pays. On s’amène jusqu’au bout du chemin de la mer, il avait la maison sur les dunes, je vois, bon Dieu, l’Océan, moi je les aime grises, les salées, Manche ou Atlantique ; l’autre d’en bas elle me plaît bien aussi mais elle sent rien (…) Une petite maison à volets vert déteint. Un carré de jardin de sable, volets, sable chassé par le vent (…) ce crissement du sable sur le carreau d’une maison de vacances (…) On a été faire des courses chez le petit épicemard, Pierrot, je crois… »

Cette maison, « qui n’existe plus, » se trouvait à côté de l’Hôtel de la plage, précise Jean-Michel Cauneau dans les Cahiers de l’histoire du Pays maraîchin n°7.

L’Hôtel de la plage à Saint-Jean-de-Monts

Après ce séjour en Vendée, « j’ai rappliqué chez mes parents, en Normandie, retrouvé les frères. 8 jours et ça été la guerre, septembre 1939… »

La gare de Saint-Jean-de-Monts

Un retour par le train… Difficile de l’imaginer, mais, de 1925 à 1949, Saint-Jean-de-Monts avait une gare ferroviaire – et non pas routière, – sur la ligne Bourgneuf – Les Sables d’Olonne. Cette gare « du petit train » se trouvait près du calvaire et du quartier dit de « Bethléem, » constitué de bourrines…

On distingue le calvaire sur la droite de la photo

Plus tôt, en 1919, la municipalité avait même envisagé la « construction d’une ligne ferrée à voie normale de Saint-Jean-de-Monts à Cholet. » Elle aurait révolutionné notre région en créant des stations au Perrier, à Froidfond, Falleron… – tout en passant par Challans. Mais le projet échoua. Les éleveurs élevèrent des protestations : les sifflets des locomotives auraient pu effrayer leurs troupeaux dans les près – alors qu’on sait bien que… les vaches adorent regarder passer les trains…

Sources: Noël Arnaud, Les Vies parallèles de Boris Vian, Christian Bourgois 1981 ; archives de la Vendée ; Pierre Farcie, Un demi siècle de vie à Saint Jean de Monts ; la Cohérie Boris Vian ; recherches et archives LNC.


© Les Nouvelles de Challans, 21 avril 2023 – Didier LE BORNEC

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