1924 – « L’Ecole des mères de Challans » ou « La Consultation de Nourrissons »

Si l’on en croit le journal le Phare de la Loire, Challans fut à l’avant-garde, dans la région, au niveau de la protection de la petite enfance. Même si c’était un peu intéressé… Le quotidien nantais publia le 26 août 1924, quasiment sur toute une colonne, un article de G. Chartrain intitulé « L’Ecole des mères de Challans. » Il y était question de « la Consultation de Nourrissons (…) ouverte le 19 février 1911 sur l’initiative de la Commission administrative de l’Hôpital-Hospice Biochaud, » où elle avait son siège – il s’agissait de l’ancien hôpital de Challans.

L'hôpital Biochaud de Challans
L’hôpital Biochaud de Challans (fonds Théo Rousseau – Shenov)

Le journaliste ajoutait : «  Nous n’avons plus à présenter, ici, l’œuvre que poursuit avec un zèle extrêmement méritoire, le président de la Consultation de Nourrissons, M. Achille Caillaud. » Le directeur du Phare, Maurice Schwob, s’en était chargé. Mais « Il nous paraît utile, pourtant, de revenir sur ses origines, ses projets d’avenir, les résultats dès maintenant acquis, ne fût-ce que pour montrer ce que l’initiative privée peut faire dans une commune rurale. »

« C’est dans le bureau de la Commission administrative que la Consultation a commencé à fonctionner ; elle ne reçut, la première année, que peu d’enfants. » Puis en 1913, « un petit pavillon appelé La Pouponnière fut édifié, il pouvait contenir 15 nourrices… » Mais tandis que ce service « prenait de l’extension » la guerre de 1914-1918 éclata… La Consultation reprit « un essor remarquable » en 1920, « aujourd’hui, elle est en pleine prospérité et devant le nombre toujours croissant d’enfants, on a dû lui chercher un local plus vaste, en attendant l’achèvement du Pavillon de l’Enfance. » Celui-ci, « actuellement en construction (…) sera doté de tous les perfectionnements modernes. » Comme l’hôtel de ville de 1913, comme l’actuelle Ecole Debouté, ou un projet d’abattoirs près de la gare de Challans… « le plan en a été établi par M. Abel Filuzeau, architecte à Fontenay-le-Comte… »

L’architecte Abel Filuzeau
Financé par des courses de chevaux…

Mais le devis « se monte à 145.000 francs, » et l’hôpital, « de ses propres deniers, n’aurait pu entreprendre un pareil travail ; il a donc fait appel au Pari mutuel qui lui a donné une subvention égale aux trois quarts de la dépense. »

Le phare donne ensuite tous les détails concernant le Pavillon : « d’une superficie de 430 mètres carrés, il sera édifié dans les jardins de l’hôpital, en bordure d’une voie nouvelle. » « Il contiendra une vaste salle de 240 mètres carrés, agencée avec boxes où chaque enfant sera isolé des autres ; un cabinet médical muni de tous les instruments de pesage et de mesurage ; six boxes de déshabillage ; une salle pour l’administration ; un vestiaire ; chauffage central à la vapeur, water-closet, lavabo ; et en annexe, un hangar pour les petites voitures. »

Pour le « repeuplement » de la patrie

Cela dit, le « fonctionnement intérieur est connu… » mais G. Chartrain tient à préciser que « deux fois par an, le premier dimanche de janvier et le jour du 14 juillet, une conférence est faite par le président sur les devoirs de la maternité, les soins à donner aux enfants, etc. » Au cours d’un de ces rendez-vous, avec des accents de comices agricoles, Achille Caillaud conclut : « Mères de famille, venez de plus en plus nombreuses aux consultations de nourrissons (…) donnez le jour à de nombreux enfants ; travaillez pour le repeuplement de notre patrie ! » Une patrie dépeuplée par ses gouvernants durant la guerre de 14-18… Cette précision est donnée dans une chronique écrite par Erick Croizé pour le site de la société d’histoire, se basant cette fois sur un article du journaliste Auguste Barrau.

G. Chartrain, quant à lui, ajoute : « Les résultats obtenus (…) sont des plus satisfaisants. Le nombre de décès parmi les enfants présentés à la consultation est presque nul – 17 décès, en 13 ans 1/2, pour 602 enfants, » (1)

Il n’est pas dit que les médecins également firent des efforts : avant d’intervenir pour un accouchement… ils se lavaient les mains… ce qu’ils ne faisaient pas toujours auparavant.

Des consultations prénatales avec primes

Enfin, « il est apparu, en 1922, aux dirigeants de la Consultation des Nourrissons de Challans, que l’œuvre de protection de la première enfance, telle qu’elle fonctionnait sous leur égide, était insuffisante, et que cette protection devait s’exercer dès la conception à compter du 5e ou 6e mois de la grossesse. Il fut donc adjoint à la Consultation de Nourrissons, une consultation prénatale. » Celle-ci « est ouverte à toutes les femmes enceintes, » lesquelles sont reçues « dans un local spécial le deuxième dimanche du mois, à 10 heures. Deux docteurs sont attachés à la Consultation et exercent à tour de rôle. Une indemnité de 7 francs par visite est remise à la mère ou à son mandataire à la naissance de l’enfant. » Au début, « cette consultation semblait choquer la pudeur des femmes ; mais par la suite, la façon délicate avec laquelle elles étaient traitées a vaincu leurs appréhensions, et aujourd’hui beaucoup de femmes enceintes viennent demander des conseils pour mener à bien leur prochaine maternité. » Pour Achille Caillaud, cette consultation « est à encourager par tous les moyens. Combien de jeunes mères, surtout dans le fond des campagnes, sont ignorantes des précautions à prendre pendant les derniers mois de leurs grossesse ? Elles habitent souvent à plusieurs kilomètres de l’agglomération principale, et par économie, la sage-femme, en général, n’est appelée qu’au dernier moment. »

Politique et médecine

Toujours selon Achille Caillaud, « cette œuvre est belle entre toutes ; elle doit être féconde en résultats, mais que de temps et de paroles pour faire comprendre aux ignorants, et surtout aux incrédules, tous les bienfaits de notre législation protectrice de l’enfance ! » On doit écouter « le Ministre de l’Hygiène et de la Prévoyance sociale, » qui, à la tribune du Sénat, « dans un langage élevé, » parle « de cette législation future qui ferait une obligation à toutes les familles de faire passer tous les mois à leurs enfants une visite médicale. » Ce serait, « la véritable loi protectrice de l’enfance, elle éviterait, dans une certaine mesure, des hécatombes d’enfants dans les premiers mois de la vie. »

« Allez à Challans prendre des leçons »

Le journaliste du Phare termine par : « Malheureusement, nous n’en sommes point là. Le législateur a fait effort, déjà, pour parer aux moyens de défendre les tout petits enfants contre la mort qui les guette. Mais il y a encore beaucoup à faire. Et c’est le rôle de l’initiative privée de prendre les devants. Il faut reconnaître que peu de communes rurales ne sauraient s’enorgueillir d’une institution aussi parfaite que celle aux destinées de laquelle préside M. Achille Caillaud. Combien de Consultations de Nourrissons urbaines – soit dit sans en médire, et du reste nous en reparlerons – pourraient aller à Challans, prendre des leçons pour perfectionner leurs méthodes… ? »

(1) En janvier 1926, pour l’inauguration du Pavillon de l’enfance, Achille Caillaud dira : « 40.000 enfants décèdent chaque année dans leurs premiers mois, et 95 % de ces décès pourraient être évités grâce à un suivi médical accessible à tous… »

Sources : Le Phare de la Loire, de Bretagne et de Vendée du 26 août 1924 (Gallica BnF RetroNews) ; Erick Croizé (Shenov) ; recherches LNC.


© Les Nouvelles de Challans, 18 avril 2023 – Didier LE BORNEC

Impression ou PDF de l'article (vérifiez le format pour les photos)