Aujourd’hui, pour ouvrir ou reprendre un bureau de tabac, « vous devez être majeur et ne pas avoir eu de condamnation en justice ; suivre une formation pour obtenir un permis d’exploitation ; vous porter candidat ; signer un contrat de gérance avec l’État… » En 1947, il suffisait presque d’en faire la demande au maire de sa commune, et pour mieux se faire entendre… de lancer une pétition.
Le 31 août 1947, le maire de Challans, Victor Charbonnel, « présente au Conseil une pétition signée de 155 personnes habitant les Rues Biochaud et Gambetta, Bd des Marchandises, quartier de Villeneuve et de la Gare, et de 100 voyageurs empruntant les lignes de La Roche s/ Yon, Nantes, Fromentine et les autobus desservant toutes les localités avoisinantes… » pétition « tendant à la création d’un bureau de tabac, quartier de la gare. »
Mais, « en contrepartie, » le maire lit une lettre collective émanant cette fois « des débitants des bureaux de tabac de Challans. » Ceux-ci rejettent la pétition, mettant en avant « les conditions difficiles dans lesquelles ils ont vécu pendant la guerre (et) le pourcentage réduit qui leur est accordé sur les ventes actuelles. »
Le conseil est embarrassé, car la pétition lui semble « fondée, » et les protestations des buralistes « en partie légitimes. »
Le maire poursuit : « Les bureaux de tabac actuels sont placés au centre de la ville, éloignés de 800 mètres environ du quartier de la gare. » Les usagers « sont privés le plus souvent de la possibilité de s’approvisionner en tabac, cigarettes et allumettes. » C’est une « gêne importante pour tous, » et d’ailleurs « une diminution de recettes pour la Régie » (le Service d’Exploitation Industrielle des Tabacs et des Allumettes : SEITA). Côté buralistes, deux ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, il y a toujours lieu « de retenir le surcroît de travail qui leur a été imposé pendant les hostilités, du fait du poinçonnage des cartes [de rationnement] et de la diminution importante de la consommation. » Mais… « on ne saurait toutefois faire état de la réduction du pourcentage qui leur est accordé, » celle-ci « étant compensée très vraisemblablement par l’augmentation du prix de vente. »
Ménager la chèvre et le chou…
Finalement, Victor Charbonnel et son conseil refuseront la création d’un bureau de tabac, mais autoriseront un « dépôt, » cela « dans les mêmes conditions que celui qui existait à la bibliothèque de la gare, il y a déjà de nombreuses années » – un réseau de bibliothèques de gare fut exploité par Louis Hachette au milieu 19e siècle. « De cette façon, les usagers des trains, autobus et habitants du quartier auront satisfaction, et les débitants de tabac actuels chargés d’alimenter le dépôt ne seront pas privés totalement du bénéfice des ventes qui constituait le principal objet de leur protestation. » Ou comment ménager la chèvre et le chou… Mais le quartier de la gare finira par obtenir son propre bureau de tabac, et le conserver.
Sources : Archives de la Vendée ; Shenov ; service-public.fr ; Persée ; recherches et documents LNC.
© Les Nouvelles de Challans, 1er février 2022 – Didier LE BORNEC