Challans 1864 – Un « arrêté de police » contre une tradition liée au Nouvel An

Le 24 décembre 1864, sous le Second Empire, le maire de Challans, Edouard Riou, docteur en médecine, prit un « Arrêté de police » contre les jeunes Challandais « courant la campagne » dans la nuit du Nouvel An :

« Nous, Maire de la Commune de Challans, en vertu des pouvoirs que nous confèrent les articles 10 & 11 de la loi du 18 juillet 1837 sur l’administration municipale – Considérant que des plaintes sont portées tous les ans contre les personnes qui dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier courent la campagne sous prétexte de demander l’aumône en souhaitant le nouvel an – Considérant que ces courses nocturnes causent de vives inquiétudes aux habitants des Campagnes et troublent leur repos en même temps qu’elles peuvent occasionner des désordres répréhensibles, »

« Arrêtons »

« Art. 1er Il est défendu à qui que ce soit d’aller, dans la nuit du 31 décembre au premier janvier prochain, demander l’aumône dans quelque lieu que ce soit de la Commune.

« Art. 2 Les contrevenants aux dispositions du présent arrêté seront poursuivis conformément à la loi.

« Art. 3 Le Commissaire de police, la Gendarmerie et le garde champêtre sont chargés chacun en ce qui les concerne de l’exécution du présent arrêté qui sera lu et affiché dans les formes ordinaires… »

Edouard Riou, « docteur en médecine » et maire de Challans

Une tradition qui remonterait aux druides…

Mais cette façon de « demander l’aumône, » remontait à la vieille tradition de l’Agui-lan-neu, souvent traduit par Au gui l’an neuf.

En 1934, dans la revue de la Société d’émulation de la Vendée, Marcel Baudoin (1) rappela que jusqu’à la fin du XIXe, voire le début du XXe siècle, « des individus, appartenant à la classe nécessiteuse des campagnes, » ou « des groupes de jeunes, » se réunissaient à minuit la veille du 1er janvier, puis allaient « frapper à la porte des fermes et des maisons bourgeoises, pour chanter l’a-gui-l’an-neu. » Et l’on peut rattacher cette coutume « à la cérémonie des Druides, qui, le premier jour de l’an, cueillaient le gui de chêne avec une serpe d’or. » Cette cérémonie se terminait par un sacrifice, et chacun en recevait sa part.

NB. Le Nouvel An était alors célébré entre mars et avril, pour l’équinoxe de printemps.

Après la conversion au christianisme, les siècles passant, les chansons populaires de l’a-gui-l’an-neu n’eurent « plus d’autre cachet que de rappeler la coutume traditionnelle et d’autre but que de demander des étrennes. » Mais au mieux les « étrenneurs » obtenaient des œufs, du lard, des pommes, des châtaignes, un verre de vin, une pièce de monnaie… Puis il fallut se contenter de moins, s’habituer à trouver porte close, « et lorsqu’elle s’ouvre, l’hospitalité offerte se borne à un morceau de pain noir et un verre de piquette… »

Finalement, de nombreux fermiers et bourgeois, « fatigués de ces chants nocturnes, et obsédés par les exigences des chanteurs, » finirent par demander l’interdiction de cette coutume, laquelle se réfugia un temps au fond des campagnes. Marcel Baudoin parle aussi d’un arrêté municipal l’interdisant à Beauvoir-sur-Mer. Et le 25 décembre 1853, déjà, le maire de Challans défendit « à tout mendiant d’aller, dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier prochain, demander l’aumône sous le nom de Guillannu dans quelque lieu que ce soit de la commune… »

(1) Marcel Baudoin – (1860-1941, Croix-de-Vie) médecin, historien de la Vendée, préhistorien, archéologue, journaliste scientifique, auteur à redécouvrir…


© Les Nouvelles de Challans, 31 décembre 2023 – Didier LE BORNEC

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