Bouin – Les métamorphoses d’une mairie tabac buvette ancien tribunal avec prison

Il existe plusieurs cartes postales des années 1900 qui témoignent des modifications et des affectations surprenantes des bâtiments de la mairie de Bouin.

La plus ancienne ici est tirée d’un article de Théo Rousseau paru dans le bulletin de la société d’histoire de Challans de 2008 ; on y voit la mairie, avec son grand escalier, mais sans lucarne au milieu du toit, et encadrée par un débit de tabac et une « buvette. »

La photo a été prise après 1900 : à partir de cette date, dans l’annuaire Didot-Bottin, on trouve un « cafetier » du nom de Baraud, mais il y a pas encore de « tabac, » les deux premiers apparaissent en 1903, et sont tenus par « Delavaud » et « la veuve Tardif. »

La seconde carte postale, ci-dessus, provient de Mémoire en images – Beauvoir-sur-Mer, de Monique et Alexis Bétus (Editions Alan Sutton 2005). Elle a pour légende « La Mairie, jour du payement des allocations, » et les auteurs expliquent : « Vers 1916, les autorités municipales distribuaient une indemnité mensuelle aux femmes seules et aux veuves (…) Cette allocation était donnée à jour fixe, en même temps que les tickets de rationnement. »

Cette fois, le bureau de tabac a gagné un étage, le café a été reconstruit, agrandi, et les combles de la mairie sont aménagés. Dans les annuaires de 1914 et 1917, figurent toujours deux débits de tabac, mais quatre cafetiers. L’établissement Baraud disparaît après 1911.

(D’après une photo du bulletin municipal de Bouin, hiver 2021)

Le tabac restera en place jusqu’aux années 1950 ; le café prendra plus d’espace, deviendra le Café de la Mairie ; mairie qui finalement s’étendra sur l’ensemble de ces constructions.

Et cette longue suite de métamorphoses avait commencé bien avant le XXe siècle…

Un présidial avant la mairie…

Il n’y eut pas d’échevin ni de maire à Bouin avant la Révolution de 1789, donc, pas de mairie, mais la partie principale existait déjà au XVIIe siècle. Elle fut d’abord un « présidial, lieu de justice du Seigneur, » ou tribunal. Dans le dictionnaire de Furetière de 1690, on lit : « Présidial – Compagnie de Juges établie dans les villes considérables pour y juger les appellations des Juges subalternes & des villages dans des matières médiocrement importantes. » Bouin était donc considérée comme une « ville considérable… » Elle était surtout une ville riche, grâce au sel, et bénéficiait aussi de nombreux avantages par sa position : « marche commune » ou frontière entre « Bretaigne & Poictou, » avec « deux coseigneurs, » l’un Breton, l’autre Poitevin, et donc deux sénéchaussées…mais qui se partageaient le même tribunal.

Une prison sous le tribunal…

Sébastien Luneau et Edouard Gallet, dans leur ouvrage Documents sur l’Ile de Bouin (1874), écrivent : « Le sénéchal de Bretagne habitait l’antique bâtiment situé derrière l’église, où est aujourd’hui l’école communale ; le sénéchal de Poitou occupait le non moins vieil édifice de la Grand’rue, appelé la maison Duraud. » Ces « deux sénéchaux siégeaient à tour de rôle au présidial, actuellement la mairie… » Et sous celui-ci – de nos jours sous la salle des mariages – « existaient et existent encore des prisons, » l’une civile et la seconde criminelle, « dont la dernière est voûtée. »

« L’ancienne geôle » (© Chronique de l’Isle de Bouin, bulletin municipal hiver 2021)

Par la suite, « Lors de la suppression de l’une des sénéchaussées, la seigneurie de Poitou fut vendue et l’unique sénéchal alla s’installer dans la maison de la seigneurie de Bretagne… »

« Le Grand Logis, Hôtel de la Sénéchaussée du Poitou, » aujourd’hui médiathèque Yvon-Traineau

Sources : archives de la société d’histoire de Challans – Shenov ; archives de la Vendée ; mairie de Bouin ; recherches et documents LNC.


© Les Nouvelles de Challans, 26 décembre 2023 – Didier LE BORNEC

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