Beauvoir-sur-Mer / Noirmoutier – « Le passage du Gois » ou « le passage du Goa » ?

Un article en entraîne un autre… Vous avez pu voir dans Le Passage du Gois dans tous ses états des cartes postales anciennes sur lesquelles cette voie est appelée « Goa » ou « Goâ. » Les légendes des cartes postales sont parfois erronées, mais dans ce cas, après quelques recherches, on pourrait penser que la forme « Goa » était l’orthographe locale, ou ancienne de « Gois… »

Ici, c’est une… « Passe du Goa » (d’après un document de geneanet.org)

Orthographe ancienne, car dans une délibération du 26 juin 1932 du conseil municipal de Beauvoir-sur-Mer, par exemple, il est question de « … l’état déplorable dans lequel se trouve la route Nationale n°5 de Beauvoir sur Mer à l’entrée du Goa… »

(Délibération numérisée par les Archives de la Vendée – extrait)

Et avant cela, dans un autre document cité par L’Equipement en Vendée – pages d’Histoire, document daté du 16 octobre 1824, un ingénieur en chef vendéen adresse à son ministre un rapport dans lequel il fait appel à l’Etat pour l’entretien du « Goa. » C’était donc une forme employée régulièrement dans des documents officiels. Mais justement…

La forme « administrative » du mot Gois…

Dans l’édition de 1884 de son fameux Guide du voyageur à Noirmoutier, Ambroise Viaud-Grand-Marais note, à propos d’un livre d’Anatole Bouquet de la Grye (1) concernant les côtes de l’Ouest, qu’il « écrit Goa, comme le fait l’Administration, » et il ajoute : « mais telle n’est certainement pas l’orthographe du mot. Les paysans disent Goï dans une seule émission de voix. »

(1) Bouquet de la Grye (1827-1909) était ingénieur hydrographe.

Plus haut dans son guide, Viaud-Grand-Marais indique qu’au « nord du goulet [de Fromentine], existe, à marée basse, un passage à gué permettant aux piétons et aux voitures d’atteindre le rivage de Beauvoir. Il porte le nom de Gois ou de Goua, du mot vendéen goiser : passer en se mouillant les pieds. »

Jean-Claude Tué dit de même dans dans son Glossaire du patois maraîchin de Beauvoir-sur-Mer (3) : « Goïzou – personne qui a ses pieds trempés, » exemple : « Ayour as tu passaïe, t’és to goïzou ? » Et pour le Gois, on dit à Beauvoir « le Goï, » ou « le Goïe. »

(3) Editions Book Envol 2022.

Et si « Gois » était un mot breton ?

Enfin, en 1867, Léopold Favre, dans son Glossaire du Poitou, de la Saintonge et de l’Aunis, donne involontairement une autre piste avec la définition du mot « goaze, goïse, » qui est un « blé barbu » des environs de Niort, où « se trouve la plaine de Goïse, qui est fort humide en hiver. » Et selon lui, ce mot vient « du celtique gwaz, courant d’eau. » En breton moderne, nous avons toujours « gwazh » : ruisseau ou… marécage. Et dans le Dictionnaire de la langue bretonne de Louis Le Pelletier (1752), on trouve « gwaghen » : vague, flot… A suivre…

« L’état déplorable du Goa… » Epilogue

Pour revenir à « l’état du Goa, » de nouveau dans L’Equipement en Vendée, il est écrit que jusqu’à la fin du 19e siècle, « le passage du Gois était encore pratiquement à l’état naturel, » et qu’une « tentative de dallage avait échoué : les pavés ayant disparu dans le sable ! » Vers la même époque, Viaud-Grand-Marais indiquait : « La descente dans le Gois se fait par un pavé disposé en pente douce (pierre), à la suite duquel se trouve le gué chargé de macadam et jalonné de piquets de dix mètres en dix mètres. » Le macadam, du nom de son inventeur Mac Adam, était un « revêtement de voies avec de la pierre concassée et du sable, agglomérés au moyen de rouleaux compresseurs… » (Petit Robert). Ce n’était pas l’idéal pour un monde de plus en plus tourné vers l’automobile.

Mais finalement, « … en sa séance du 1er septembre 1932, » le Conseil général de la Vendée demandera que cette « chaussée submersible soit portée de 4 m à 6 m de large, » et elle fut enfin pavée ! Il faut préciser que le Gois avait été classé route nationale le 1er octobre 1930… et « cela transférait du Département à l’État la charge des travaux… »

Le pavage du Gois en 1935 – L’Equipement en Vendée – pages d’Histoire (1998 Vendée Patrimoine)

© Les Nouvelles de Challans, 2024 – Didier LE BORNEC

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