Sur les hauteurs de Challans, en quittant la ville par la route des Sables d’Olonne, la fontaine du Préneau « distribue généreusement de l’eau ferrugineuse depuis si longtemps qu’on ne connaît pas ses origines. » Et « les vieux grimoires la citent comme une source bienfaisante prodiguant des trésors de santé. » Voilà ce que dit un vieux panneau planté près de cette fontaine aujourd’hui quasiment inconnue, mais que l’on peut toujours voir en haut du Chemin du Préneau – première route à gauche après le magasin Hyper U.
« A vos risques et périls » !
Cependant, « il convient d’être prudent, un (autre) écriteau situé à proximité précise qu’il s’agit d’eau non potable. » Et de nos jours, un nouvel avertissement dans l’air du temps va plus loin : « Cette eau n’est pas analysée vous la buvez à vos risques et périls (!) »
Pourtant, beaucoup de Challandais(es) se souviennent d’avoir consommé cette eau, comme Laurence : « Lorsque j’avais 10 ans, vers 1976, j’y allais avec mes parents pour y remplir des bouteilles, en verre à l’époque. Et il y avait toujours du monde, c’était un défilé. La source était vraiment réputée. » Autre détail : « Je me rappelle aussi que l’eau avait un goût spécial ; les enfants n’aimaient pas trop. » Un goût de fer, sans doute…
Une eau longtemps convoitée puis longtemps exploitée
Bien avant, en 1924, Auguste Barrau, correspondant du Phare de la Loire, écrivait : « Nous croyons savoir (que la municipalité) doit entrer en pourparlers avec M. Salmon, ingénieur en villégiature dans notre région. » Après avoir visité le quartier du Préneau, et… « sa source réputée… » il proposerait d’en amener l’eau en ville « pour la distribuer aux particuliers moyennant un prix d’abonnement fort abordable. » Le journaliste ajoutait qu’une trentaine d’années plus tôt cette question avait déjà « fait l’objet d’une étude dont les conclusions n’avaient pu être adoptées : les finances communales ne l’ayant pas permis. »
Ce sera fait en 1937, après la construction du château d’eau de la rue Saint Dominique. Ainsi, toute la ville consomma « l’eau bienfaisante » de la source du Préneau !
Le château d’eau, désaffecté au début des années 1970, a été démoli en 2022…
Mais en 1972, on pouvait encore lire dans Ouest-France : « le château d’eau, contenant 300 mètres cubes (…) orgueil de la cité voici 35 ans… » s’avère aujourd’hui « désuet en rapport à la consommation en eau potable (dans une ville qui) possède maintenant des H.L.M. et des collectifs… » Cependant ce n’était pas une question d’alimentation : « la source naturelle, dite Balle du Préneau, » et la « canalisation spéciale de la source de la Vérie » suffisaient largement. Le problème était la pression. Aujourd’hui, seul le captage de la Vérie, avec une nouvelle installation mise en service en 1974, alimente la ville.
Une source mystère de joie de vivre
Dommage… Dans un autre article (1), postérieur certainement à l’abandon du château d’eau, on trouve la liste des vertus de la source du Préneau : son eau est « fortifiante, rafraîchissante, elle régularise les fonctions intestinales… » Et l’on pouvait encore la boire sans crainte, elle était potable : « Les analyses chimiques et bactériologiques, effectuées à intervalles réguliers, confirment toujours sa bonne qualité et la présence d’une dose appréciable de substances arrachées au sol qui peuvent être autant d’adjuvants pour rétablir le bon équilibre du métabolisme et retrouver ainsi force et joie de vivre » (!) Pourtant, c’était un mystère, « personne n’a pu nous renseigner sur la raison de sa teneur en fer. D’autant plus que des puits creusés alentour n’offrent pas cette particularité. Elle doit bien le prendre quelque part dans la région, mais peut-être assez loin de son jaillissement… »
Une mine d’or liquide s’écoule dans la nature
L’eau de cette fontaine coule toujours, en abondance, plus de 40 ans après, s’évacuant par une grille qu’elle colore effectivement « d’un rouge ferrugineux. » Et l’auteur de l’article écrivait déjà : « Des milliers de litres d’eau s’en vont ainsi dans la nature. Le filet est généreux, hiver comme été (et) Challans a peut-être, avec la source du Préneau, une mine d’or inexploitée. » Et l’on se dit que la ville aurait peut-être pu connaître « l’extraordinaire développement de Spa, en Belgique, autour d’une source ferrugineuse semblable à celle du Préneau : sa texture chimique serait à peu près identique… » On peut encore rêver…
(1) La source du Préneau libère-t-elle une potion magique ? Cet article, repris et archivé par la Société d’histoire de Challans (Shenov), est signé M.L. Il est possible que ce soit les initiales du journaliste Maurice Levert (qui nous a quitté en 2018) et qui travaillait pour Ouest-France.
Sources : archives de la Shenov ; recherches et photos dlb.
© Les Nouvelles de Challans, 21 mai 2023 – © Didier LE BORNEC, juillet 2020