Dans les années 1930, le doryphore « venu des Amériques » (1) était le cauchemar de nos grands-parents ou arrière-grands-parents jardiniers… et des autorités. Ce coléoptère était un fléau pour les pommes de terre : larves et adultes en mangent les feuilles et la plante ne produit plus ou peu de tubercules.
Heureusement, pour se débarrasser de ces parasites, il existait un produit miracle. Le 21 mai 1933, dans la Dépêche vendéenne, paraissait l’article « Pour combattre le doryphore. » Il commençait ainsi : « Bien que la liste des communes ayant de l’arséniate de plomb en dépôt que vient de publier l’Administration des Services Agricoles ne mentionne pas la votre, nous savons qu’un envoi de cet insecticide a été fait à la mairie de Challans. »
Plantations visitées
« En conséquence, nous croyons devoir informer les cultivateurs dont les plantations de pommes de terre ont été visitées par le Doryphore, qu’ils doivent immédiatement signaler à la mairie les endroits infectés. Il leur sera remis gratuitement de l’arséniate et des instructions concernant son emploi. Les traitements ne nuisent en rien à la qualité des tubercules (et) sont obligatoires sous peine de sanctions pénales. »
Bien se débarbouiller… se laver énergiquement au savon
Souvent science varie… l’arséniate de plomb est un composé d’arsenic et de plomb très toxique pour le vivant et polluant pour la terre ; il a été interdit en France… en 1971, et… en 1998, l’Union européenne l’a classé en « première catégorie des substances que l’on sait être cancérigènes pour l’homme. »
Mais en 1933, il était donc obligatoire d’utiliser l’arséniate de plomb. Cependant, cela exigeait « l’observation des précautions suivantes : 1° Se munir pour ce travail de vieux vêtements que l’on quittera immédiatement après ; 2° s’abstenir de fumer pendant la pulvérisation ; 3° se placer de façon que le vent ne ramène pas les gouttelettes de liquide sur le visage ; 4° après le traitement, laver avec soin tous les ustensiles ayant été en contact avec la bouillie arsenicale et, naturellement, ailleurs que dans un bassin ou une mare servant à abreuver les animaux ; 5° l’opérateur, ainsi que ses aides, et aussi les personnes ramassant des Doryphores sur les pommes de terre traitées avec l’arsenic devront se débarbouiller et se laver énergiquement les mains au savon ; 6° les boîtes d’arséniate seront toujours conservées sous clef. » Et si cela ne suffisait pas, la revue Rustica proposait d’ajouter un peu de… D.D.T.
(1) Doryphore : insecte coléoptère, de la famille des Chrysomélidés, aux élytres ornées de lignes noires sur fond jaune. Découvert en 1824 dans le Colorado (États-Unis) sur une Solanée sauvage, il s’est attaqué ensuite aux plants de pommes de terre (et de tomates) et s’est rapidement répandu : en 1874 sur la côte Est des USA ; en 1877 en Europe ; en 1922 en France.
Sources : les Archives de la Vendée (Chroniques de l’abbé Grelier) ; la Dépêche vendéenne, 1933 ; dictionnaires Larousse et Petit Robert ; Guide Nathan, les insectes Coléoptère ; Union européenne ; Salorges enchères ; Gallica BnF ; recherches et archives LNC.
© Les Nouvelles de Challans, 8 janvier 2022 – Didier LE BORNEC