Pourquoi faire compliqué pour le réveillon ? Dans l’édition du Phare de la Loire, de Bretagne et de Vendée du vendredi 25 décembre 1925, on trouvait cette réclame :
« Noël Noël – Pensez-y ! Pas de menus parfaits sans les succulentes Nouillettes aux œufs frais Lustucru Cartier-Millon qui régalent et nourrissent ! »
Louis Cartier-Millon (1837-1914) est l’industriel qui fonda en 1871 la marque de « pâtes alimentaires » Lustucru – Per’ Lustucru à l’origine, allusion à la chanson La Mère Michel…
Les pâtes, un produit de luxe pour la noblesse
Cette publicité peut paraître amusante, mais pour la comprendre, il faut… avoir connu la guerre, ou avoir écouté une émission de France culture : « Coquillette à toutes les sauces, histoire d’un triomphe industriel, » dans Le Cours de l’histoire de Xavier Mauduit. Ce jour-là, le journaliste avait invité Pierre-Antoine Dessaux, maître de conférences en histoire à l’Université de Tours, et auteur de Vermicelles et coquillettes : histoire d’une industrie alimentaire française.
On y apprend pour commencer que les pâtes furent d’abord un produit de luxe, aussi cher que le sucre, et acheté principalement « par la noblesse. » Au 18e siècle, le « bouillon aux vermicelles, » par exemple, était servi à la Cour et aux meilleures tables… Aussi, pourquoi pas au réveillon ?!
La Vendée moins nouille que le reste de la France
Plus tard, quand les pâtes atteignirent les classes moins aisées, ce fut dans « le milieu urbain, » Paris… Enfant, Passage Choiseul, L’écrivain Louis-Ferdinand Céline (1894-1961) sera « élevé dans les gifles et à la nouille, » « on bouffait des lessiveuses de nouilles, » « seul aliment qui n’a pas d’odeur, » car sa mère réparait des dentelles, lesquelles ne supportent pas les odeurs… Mais lorsque les pâtes gagnèrent le monde rural, ce fut par l’Est, le Nord, ou la Provence… Le Grand-Ouest, « la Bretagne, la Vendée, » furent « des terres peu consommatrices de ce genre de produit. »
D’où l’importance, sans doute, d’y faire… de la publicité…
Ce ne sera pas évident… Les pâtes deviendront encore plus populaires pendant la Première Guerre mondiale, en 1917, « lorsqu’elles furent inscrites parmi les produits proposés sur les cartes de rationnement. » Mais Pierre-Antoine Dessaux raconte que cela va entraîner des situations « assez cocasses ou bizarres, puisque dans des régions comme en Vendée, les gens reçoivent des bons pour acheter des pâtes, mais il n’y en a pas, on n’a pas l’habitude d’en vendre, elles ne sont pas disponibles, donc, on va se plaindre dans les préfectures, » et réclamer… du pain. Ici, nous avions la mogette froide en salade, la mogette au fromage, et bien sûr… la mogette sur une tranche de pain grillé !
Sources : Le Phare de la Loire (archives de la société d’histoire de Challans) ; France Culture – Xavier Mauduit et Pierre-Antoine Dessaux ; recherches LNC.
© Les Nouvelles de Challans, 21 décembre 2023 – Didier LE BORNEC