Entre 1971 et 1977, de fin décembre jusqu’au mois de février, l’église de Challans fut envahie par la foule, et la place des Marronniers, le centre-ville… par les voitures, les autocars… on venait de toute la France voir une curiosité : la crèche monumentale ! Durant ces sept années, il y eut au total un million et demi de visiteurs, selon les organisateurs de l’événement.
Tout avait commencé tout doucement en 1970, sur une idée de Jean-Claude Barreau. Mais l’année suivante, le 15 décembre 1971, « un journaliste annonce qu’une crèche pas comme les autres s’édifie dans l’église de Challans » et qu’elle sera dévoilée le soir du 24 décembre, écrit Henri Phelippeau dans Les Cahiers du Noroît 2019 (bulletin de la Shenov – pages 21 à 33).
« Durant plusieurs semaines, une trentaine de bénévoles ont veillé tard le soir pour réaliser cette crèche dans la chapelle Sainte Philomène. » Menuisiers, peintres, électriciens… une équipe animée par Maurice Fillonneau, Jean-Claude Barreau, Jeannine Mourain, Jacques Lionet, Joseph Simonneau… et placée « sous la houlette » d’un abbé charismatique, Gilles Désamy, en charge de la paroisse.
Après avoir été inspirée par le folklore maraîchin, la crèche est en 1971 « une évocation évangélique traditionnelle. » Mais « on ne la regarde pas, on s’y promène ! » Le visiteur entre dans une vaste grotte de papier rocher, puis découvre trois scènes avec des personnages grandeur nature…
… ce sont des mannequins de vitrine, mais maquillés, habillés « avec un réel souci d’authenticité. »
Le succès est immédiat
Le 28 décembre, on compte déjà plus de 2 000 visiteurs, avec certains jours une file d’attente d’une demi-heure. La presse commence à se demander si ce n’est pas la crèche « la plus importante de France » ? Elle sera aussi la plus artistique. Maurice Fillonneau est un artiste peintre renommé, il sera rejoint par le sculpteur non moins célèbre Henri Murail, et, jusqu’au bout de l’aventure, par Hubert Pacteau, peintre, dessinateur, plasticien… Mais autour d’eux, les bénévoles sont aussi des artistes amateurs, comme Jean-Claude Barreau, des artisans talentueux, comme la couturière Jeannine Mourain…
Ce succès… et la taille de la crèche… s’étendent au fil des ans. En 1974, elle couvre 130 m² de l’église ; et elle est parcourue par 180 000 visiteurs. En 1975, Antenne 2 inclus Challans dans un reportage télévisé sur les crèches de Noël. Cette fois, ce sont « 15 millions de téléspectateurs qui découvrent que la plus grande crèche… d’Europe ! se trouve en Vendée… à Challans. »
Six tableaux sont proposés cette année-là, conçus avec 200 m3 de mousse phénolique – matière chère à Hubert Pacteau, – 200 m de tissu, 600 m de baguettes de bois, 75 m² d’aggloméré, 500 litres de peinture, 3 km de fils électriques, 35 projecteurs, 300 lampes, des échafaudages, des gradins… …
En 1976, les bénévoles cumulent 6 000 heures de travail… et les visiteurs culminent à 350 000 en deux mois. La visite est gratuite, mais 100 000 francs d’offrandes sont récoltés. Les frais couverts, la moitié de cette somme va permettre « de secourir des enfants d’Haïti, des orphelins de Bethléem, et Mère Thérésa de Calcutta… »
Pour la dernière réalisation, en 1977, 150 bénévoles seront encore au travail afin de réaliser 8 tableaux avec 60 personnages, l’ensemble sur le thème de la Nativité… Et l’on dépassera les 500 000 visiteurs !
Mais des critiques, négatives, pourtant bien moins nombreuses que les éloges, auront raison de cette entreprise. « Les plus virulentes vinrent des rangs du clergé » : selon de jeunes prêtres de la paroisse, cette crèche était « prétentieuse avec ses foules, sa publicité tapageuse, son triomphalisme, son aspect commercial… » L’abbé Gilles Désamy fut mis à l’écart, et finalement muté par le diocèse à Brétignolles-sur-Mer, où il décédera en 1986. Selon son souhait, il fut inhumé au cimetière du Cailloux blanc à Challans…
On trouve sur la chaîne YouTube des archives de la Vendée une vidéo extraite du film Challans jadis de Jean-Claude Mauvoisin-Delavaud : La plus grande crèche d’Europe à l’église Notre-Dame en 1976.
Sources : Henri Phelippeau (Shenov) ; les archives de la Vendée ; recherches LNC.
© Les Nouvelles de Challans, 15 décembre 2022 – Didier LE BORNEC