La Garnache était-elle autrefois un port… et la tour de la prison du château… un phare ?

C’est ce qu’on pourrait croire en lisant des documents du 19e et du 17e siècle. Dans Le Globe du 17 septembre 1825, n° 159 (1), on trouve une critique de l’ouvrage du magistrat Louis-Antoine-François de Marchangy : Tristan le voyageur, ou la France au XIVe siècle, paru la même année.

« La Garnache un port de mer »

Louis-Antoine de Marchangy situe son histoire en « L’an de grâce 1373, » quand « moi, Tristan, seigneur de l’île de Ré, de Marans et autres lieux, je quittai les fiefs paternels situés dans les belles campagnes du Poitou, pour visiter une partie du vaste pays de France… » Et on lit dans Le Globe : « L’auteur aborde la Bretagne par les fiefs de la Garnache et de Beauvoir : c’est dit-il, un pays couvert de bois, de bocages et de vergers. Mais entre Beauvoir et la Garnache s’étendent, au contraire, les alluvions des marais de Machecoul, qui faisaient jadis de la Garnache un port de mer » !

Je n’ai pas retrouvé ce passage dans Tristan le voyageur, où La Garnache est cependant mentionnée de nombreuses fois. Mais le journaliste du Globe cite ensuite un auteur qui dénigre ce livre bourré d’erreurs, « de fautes graves, » « un ouvrage indigne » du talent de M. de Marchangy. Mais ce Tristan est très agréable à lire, comme un roman historique… Et Victor Hugo disait lui-même à propos de son Quatrevingt-treize : « La Vendée ne peut être complètement expliquée que si sa légende complète l’histoire… ».

(Extrait de Tristan le voyageur – avec l’orthographe de l’époque) : « (…) Ainsi je vendis, moyennant quinze florins aux fleurs de lis, une part dans le péage des chemins de Challans à la Garnache, et de la Garnache à Beauvoir ; je cédai pour vingt francs à cheval certains droits paroissiens, tels que les offrandes, les relévemens des femmes accouchées, les bénédictions des fiançailles ; j’inféodai pour le prix et somme trente deniers d’argent fin de gruerie des forêts, c’est-à-dire un droit sur la coupe et l’entrée des bois ; j’affranchis les habitans de deux communes des droits que je percevais sur eux, à raison du four où ils venaient cuir le pain ; du pressoir où ils venaient pressurer la grappe et la pomme ; du moulin où ils venaient moudre le blé (…) »

(1) Le Globe – journal littéraire, fondé à Paris en 1824 par Pierre Leroux et Paul-François Dubois.

La tour de la prison… était un phare

Mais on sait que l’Océan entrait loin dans le Nord-Ouest vendéen il n’y a pas si longtemps encore. La région comptait de nombreuses îles : isle de Bouin, de Rié, l’île du Perrier… Et un document officiel du 17e siècle donne des informations intéressantes sur ce sujet, il s’agit du Procès verbal de visite des démolitions du chasteau de La Garnache daté du 8 septembre 1623. Louis XIII est passé dans notre Bas-Poitou en 1622 pour livrer bataille contre le chef huguenot Soubise… dans l’isle de Rié. Au passage il ordonnera la destruction de tous les châteaux tenus par des protestants, dont celui de La Garnache. Mais un an après, la propriétaire de l’époque, Henriette de Rohan, fera donc un état des lieux afin d’obtenir des dédommagements et d’essayer de réparer les dégâts… sur demande du roi qui avait des remords…

1679 – L’Isle de Bouyn, Le Perrier au milieu des eaux

C’est trop tard, le château, qui était magnifique, est déjà en ruines. Mais là, concernant la « Tour de la prison, » il est écrit que, selon le « sieur de la Grange, » elle avait servi… « de phare à ceulx qui venoient de la mer pour venir en terre. » Les marins « qui avoient à aborder en la coste, pour éviter les bancs dont la mer est pleine se réglaient à entrer comme pour venir droict à la dicte tour (de La Garnache) : il n’y a que quinze ou seize brasses de passage pour entrer et abborder aux isles de Retz, de Bouing, Saint Jean de Monts et aultres ; lequel abbord est grand à cause du sel que les estrangers y viennent prendre… » Et ainsi, depuis cette destruction, « il s’est perdu des vaisseaux en mer… » ! On peut de ce côté penser que La Garnache était « jadis » un phare…

Les ruines du château, gravure d’Octave de Rochebrune (1864)
Les mêmes de nos jours… (LNC)

Sources : Gallica BnF ; Michel Gruet et Jean-Michel Audéon, Documents curieux et anecdotiques pour servir à l’histoire de Challans et ses environs (Shenov) ; recherches et documents LNC.


© Les Nouvelles de Challans, 22 février 2024 – Didier LE BORNEC

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