Croix-de-Vie 1892 – Une photo de l’ancienne église et… de l’arbre de la liberté

Il est rare de trouver des gravures, et encore plus des photographies des vieilles églises « trop petites » qui ont été détruites entre la fin du 19e et le début du 20e siècle. Nous avons la chance d’avoir une superbe photo de celle de Croix-de-Vie – la fusion avec Saint-Gilles date de 1967. Ce document figure dans le tome XII des Paysages et monuments du Poitou, écrit par Hippolyte Boutin et illustré avec des photographies de Jules Robuchon (1) – sans oublier les dessins de G. Girault.

(1) Hippolyte Boutin (La Bruffière 1849 – Saint-Etienne-du-Bois 1946), abbé, historien ; Jules Robuchon (Fontenay-le-Comte 1840 – Poitiers 1922), photographe, imprimeur libraire.

L’ouvrage est sorti en 1892, la photo a donc été prise quelques années avant la disparition de cette église. Hippolyte Boutin écrit d’ailleurs : « Croix-de-Vie possède encore sa primitive église, bâtie en 1611… » Et il cite un procès verbal de 1610 pour la décrire : « de pareille forme, fasson et matière qu’estoit une chapelle située au dict cymetière de Saint-Gilles. » Mais l’abbé Boutin n’est pas l’abbé Grelier, défenseur des vieilles églises, et il conclut : « Depuis, malgré deux agrandissements successifs, l’église de Croix-de-Vie est devenue absolument insuffisante et ne tardera pas à faire place à un édifice plus spacieux et plus élégant. »  

L’église Sainte-Croix construite en 1896
L’église Saint-Gilles quant à elle a été conservée

L’arbre de la liberté de 1848

Mais à propos de la photo… Hippolyte Boutin ajoute une note intéressante : « Au premier plan de notre planche qui représente l’église de Croix-de-Vie, se voit, à gauche, une yeuse, qui est l’arbre de la liberté planté en 1848, » lequel s’était bien développé en 44 ans – il a disparu aujourd’hui.

L’yeuse est « communément appelée » chêne vert ; et l’arbre de la liberté était un symbole révolutionnaire inspiré de la tradition de l’arbre de mai planté en signe de « renouveau printanier. » A cette différence qu’il s’agissait souvent d’un arbre sans racines, d’un mât ou d’un poteau, tandis que la loi du 3 pluviôse de l’an II (22 janvier 1794) obligera les communes à planter des « arbres vifs. »

Enfin, l’arbre que l’on voit près de l’église célébrait la Révolution de 1848, et la Seconde République

Un « renouvellement » en 1798

Bien entendu, la Révolution de 1789 eut elle aussi son arbre à Croix-de-Vie… c’était obligatoire. On trouve dans les archives de la Vendée une lettre du 7 pluviôse de l’an 6 (26 janvier 1798) écrite par « Jean Petit agent municipal et Sallo adjoint de Croix de Vie, » lettre adressée « au général Travaux (sic) aux Sables… » (Travot, qui fut entre autres commandant de l’une des colonnes infernales…) Ces agents indiquent que « pour satisfaire à la loi du 24 nivôse l’an 6, » les habitants de Croix-de-Vie « se disposent à renouveler lundi prochain la plantation de l’arbre de la liberté. » Mais c’est pour eux une joie qu’ils aimeraient annoncer « au bruit du canon… » en bénéficiant des services du canonnier de la garnison locale… Eurent-ils gain de cause ? Combien de temps l’arbre resta en place ? Ces symboles étaient souvent coupés dans la foulée par des opposants à la Révolution. Des procès-verbaux le signalent, comme à Saint-Hilaire-de-Riez vers la même époque…

Sources : Paysages et monuments du Poitou, tome XII, Vendée – textes Hippolyte Boutin, photographies Jules Robuchon, BnF Gallica (fonds de la bibliothèque publique de Niort) ; archives de la Vendée ; recherches et archives LNC.


© Les Nouvelles de Challans, 10 octobre 2024 – Didier LE BORNEC – (les photos sont optimisées sur PC)

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