Depuis 1964 jusqu’à sa fermeture en 2021, l’école maternelle Le Bois du Breuil, rue des Barrières, a reçu un nombre impressionnant de jeunes enfants, accueillis chaque matin par Perrette et son Pot au lait, une œuvre des sculpteurs Jan et Joël Martel – l’école a été construite en 1960 mais la statue réalisée en 1964.
A l’origine…
Le maire de Challans de l’époque, Jean Léveillé, avait souhaité : « Un motif sculptural pour la décoration de l’entrée de l’école. » De même que le bas-relief des frères Martel en hommage à Charles Milcendeau, offert à la ville par « l’administration des Beaux-arts, » le nouveau projet ne coûtera rien aux Challandais : la municipalité bénéficiera d’une subvention de l’État, le 1% artistique alloué à partir de 250.000 nouveaux francs investis dans la construction d’un bâtiment public.
Perrette en Maraîchine
Cependant, rien ne se fera tout seul. Les premières traces de la commande remontent à 1961. Mais après d’interminables échanges entre la mairie, la préfecture, le ministère, l’architecte Jean-Baptiste Durand, et les sculpteurs… on ne verra une avancée qu’en janvier 1962. Dans une lettre adressée à J.-B. Durand, Jan et Joël Martel écrivent : « Après avoir essayé plusieurs thèmes tirés des fables de La Fontaine, tour à tour plastiques ou spirituels, » et les avoir abandonnés, car cela doit « être compris de tous, grands et petits, (nous avons) finalement choisi Perrette et le Pot au lait parce-que en dehors de son amusante moralité, elle est le prétexte d’une figure de danse – en l’occurrence une jeune maraîchine en costume d’époque de La Fontaine, dansant avec son pot au lait en équilibre sur la tête ! » Suivent des précisions techniques : « C’est, comme vous le désiriez, une ronde-bosse grandeur nature, sur un socle sortant du gazon – assez difficile d’exécution, mais qui nous plaît beaucoup à étudier. »
Pourtant, les choses traîneront encore, toujours à cause des « lenteurs de l’administration préfectorale, » écrit le maire, mais aussi du Ministère de l’Éducation nationale qui doit octroyer la subvention. Le feu vert ne sera donné qu’en décembre 1963, mais ici… pour une exécution rapide : « dans un délai de 5 mois… » (!)
Un délai qui sera plus que respecté : préparée dans l’atelier parisien des frères Martel, la statue de Perrette sera terminée au Mollin (à La Garnache) le 16 mars 1964 : « coulée avec un mélange de ciment blanc et de granit concassé. » Puis, le 26 mars, elle est transportée dans le jardin de la maternelle et fixée sur son socle de béton. Autour d’elle sera façonnée une butte de terre. L’inauguration aura lieu plus tard, « à la rentrée, » le 14 septembre.
Les coulisses de la création
Si les deux sculpteurs ont fait preuve d’une grande rapidité, quatre mois après, en juillet 1964, leur travail n’est toujours pas payé. Une histoire de papiers, de compétences entre la préfecture, la perception, la mairie… Pour finir, l’adjoint au maire de Challans demandera à Joël Martel de lui fournir « un mémoire détaillé établi en 3 exemplaires… »
Le 11 juillet 1964, Joël Martel prépare sa réponse : « Mémoire des travaux de sculpture pour l’Ecole maternelle de Challans, Vendée. Statue en pierre reconstituée (hauteur 1 m 70). Sujet : Perrette et le pot au lait, d’après la maquette acceptée par la 6e section de la Commission de la Création artistique, et placée à l’entrée de l’Ecole maternelle. Le montant des travaux est arrêté à la somme de 2.884 francs. Ce prix comprend tous les travaux nécessaires à l’exécution et à la finition de la sculpture. À savoir : composition de la statue en terre glaise grandeur d’exécution ; confection en plâtre des moules à pièces destinés au coulage ; transport des moules et coulage en pierre reconstituée ; matériaux, retouches et main d’œuvre. Transport de la statue et mise en place. Le travail a été exécuté dans un délai de 5 mois à compter de l’approbation de la convention entre la Mairie de Challans et M. Joël Martel, datée du 6 décembre 1963… »
Et c’est finalement grâce à ces tracasseries administratives que nous savons exactement comment Perrette a été réalisée.
Sources : archives de Florence Martel-Langer ; recherches LNC.
© Les Nouvelles de Challans, 20 janvier 2022 – Didier LE BORNEC