Une « Pierre du Diable » de 8000 ans au milieu d’un champ à La Garnache

Notre région était autrefois couverte de mégalithes – c’était Carnac… – mais au début du 20e siècle, ils ont été déplacés, ou détruits à coups d’explosifs, pour devenir des pierres de maçonnerie, pour remblayer des chemins. Certains ont survécu : à Commequiers, à la Vérie – sur la commune de Soullans, – ou, de justesse, à La Garnache avec le menhir dit de la Pierre du Diable (1).

(1) Dans les légendes, quasiment tous les dolmens ou pierres levées du Nord-Ouest Vendée sont censés avoir été perdus par le Diable, qui les destinaient à la construction du légendaire Pont d’Yeu…

Le docteur Marcel Baudoin (1860-1941), également historien et archéologue, a écrit dans le bulletin de la Société préhistorique française d’avril 1925 : « … près de la base [de la pierre de La Garnache] existe un trou de mine, très net. On m’a raconté que c’était jadis le propriétaire, feu M. Boucher (de Challans), qui l’avait fait faire. Mais la mine dut être mal agencée, car elle n’a réussi qu’à fendre légèrement le bloc. »

Ce M. Boucher était le père de Rachel Boucher, future épouse de Léon Martel, lequel rachètera la propriété, avec le Mollin. Rachel et Léon sont les parents des sculpteurs Jan et Joël Martel.

Le « Menhir dit Pierre du Diable » a finalement été classé monument historique par arrêté du 24 septembre 1934 – base Mérimée

Hache-pie… Huche-pied… Juche-pie… ?

Cette Pierre du Diable est en fait plus près de Challans que de La Garnache. Marcel Baudoin, qui la découvrit et l’étudia en 1907, l’appela « le menhir tombé de La Grande Emonnière, » du nom de la ferme la plus proche. Pour s’y rendre à l’époque, il fallait depuis, « Challans-Gare, traverser la ville, prendre la route de Bois-de-Céné, qui monte directement vers le Nord, et marcher pendant environ 2 kilomètres… » Là, Marcel Baudoin indique un « Pont de l’Ancien Gué, dit Hache-pie ou plutôt Huche-pied… » Mais le cadastre napoléonien (1832) donne déjà le nom de « Gué de Juche pie, » – c’est aujourd’hui le lieu-dit de Juchepie.

Pourtant, Marcel Baudoin ajoute : « C’est pourquoi jadis ce Menhir était désigné (…) sous le nom de Pierre du Gué de Huche-pie. » Cependant, « Huche-pied est plus probable. Cela veut dire : Pierre sur laquelle on se huche (pour juche), c’est-à-dire pose le pied, pour passer l’eau. »

Si vous n’avez pas de « GPS »

Aujourd’hui, atteindre la Pierre du Diable est plus simple : depuis Challans, par la route de Bois-de-Céné (D58), prenez à gauche le chemin de la Juchepie ; au bout, tournez à droite, puis empruntez le premier chemin de terre – toujours à droite, – qui se trouve avant La Petite fraternité : la Pierre du Diable se tient quelques mètres plus loin… à votre droite… dans un îlot boisé au milieu du champ.

Un mégalithe de 6 tonnes datant « de 6.000 ans avant Jésus-Christ »

Dans son étude, Marcel Baudoin donne de nombreux détails sur la Pierre du Diable qu’il découvrit « renversée, » et qu’il fera redresser en 1933 – ce qu’il n’avait pu faire en 1907. « La longueur de la pierre à plat est de 2 m 30 au maximum. Redressée et enfoncée de 0 m 30 en terre, elle aurait donc encore 2 mètres de hauteur, pour une largeur de 2 m 20, » ce qui est considérable. Et il estime le poids du menhir à plus de 6 tonnes, menhir qui est « indiscutablement un bloc de Grès Cénomanien, à grains assez fins… » Marcel Baudoin propose aussi une « théorie » : « Etant donné l’orientation 163’ Sud-Est, ce menhir a été érigé sur la ligne Solsticiale d’Hiver-Lever… » Enfin, comme tous les mégalithes de la « région challandaise, » il est « datable de la fin du Néolithique, vers 6.000 ans avant Jésus-Christ… » Soit un héritage de plus de 8000 ans à redécouvrir – en étant respectueux des lieux !

Sources : Bulletin de la Société préhistorique française d’avril 1925, Marcel Baudoin (Gallica BnF) ; archives de la Vendée ; recherches et photos LNC.


© Les Nouvelles de Challans, 4 mai 2023 – Didier LE BORNEC

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