« Le dernier vezour » (vezou) est le titre d’un article du Phare de la Loire, édition de Bretagne et de Vendée, rubrique Challans, paru en juin 1929. Un papier non signé, mais sans doute écrit par Auguste Barrau, correspondant local, journaliste, écrivain et poète. On y retrouve son style, son érudition, son sens critique… même pour une nécrologie.
Des bergères joueuses de veuze
« Dans l’après-midi de lundi a été enterré François Cormier (…) né à Challans le 11 mai 1853 et décédé dimanche à l’hôpital, » le 14 avril 1929. « Avec lui disparaît le dernier des trois vezours challandais que nous avons connus. Chevalier, le premier en date, était un sounur de veuze émérite, et que Louis XI, qui, au Plessis-lès-Tours (1), goûtait fort les rondes et les branles que lui jouaient, sur cet instrument, des bergères du Poitou (2), n’eût pas manqué de s’attacher. » Chevalier, « non seulement exécutait magistralement toutes les variantes de notre musique populaire, mais était aussi un improvisateur curieux. » Hélas ! « étant donné son ignorance de la notation musicale, » aucune de ses compositions n’est parvenue jusqu’à nous.
(1) Château de Plessis-lès-Tours, à La Riche, en Indre-et-Loire.
(2) La Vendée était le Bas-Poitou avant la Révolution et la création des départements.
L’arrivée de l’accordéon
À Chevalier succéda « Mornet, à qui sa petite taille et sa forte corpulence avaient valu un sobriquet réaliste. » Le journaliste ne le donne pas… Mais il en rajoute : selon lui Mornet possédait un « répertoire limité, » dont l’interprétation, « peut-être parce qu’il était atteint de courte haleine, laissait fortement à désirer, aussi fut-il dans l’obligation de remiser sa veuze lorsque François Cormier débuta dans la carrière artistique. » Celui-ci était charpentier à Froidfond, comme son père le fut à Challans, mais « entre temps, il fabriquait, avec de la paille ou du foin et de l’écorce de ronce, des paillassons, des bourriches, des sièges, etc. S’il n’avait pas l’ampleur de son et la virtuosité de Chevalier, il ne manquait ni de justesse ni de mesure et menait avec beaucoup d’entrain les noces à la mairie et à l’église. Son instrument était abondamment orné de longs rubans multicolores qui voltigeaient autour de lui lorsqu’il virevoltait en conduisant un nuptial cortège. »
Aussi François Cormier « eut ses heures de célébrité. Il précéda (à Challans) le défilé de plusieurs Fêtes des Fleurs ; on le vit à La Roche-sur-Yon, aux Sables-d’Olonne, à Nantes, dans quelques villes du Midi et même à Paris, où la réception qui lui fut faite et qu’il aimait à raconter, l’avait ému autant qu’enthousiasmé. Hélas ! la vogue du musicien challandais cessa brusquement ! L’accordéon, puis le violon remplacèrent la veuze à la noce, et plus jamais Cormier ne fut redemandé dans les villes où il avait fait connaître les mélodies de notre Marais. » Alors il vendit à un collectionneur son instrument « maintenant dédaignée et désormais inutile ! »
Il faudra attendre plus de soixante ans pour voir la renaissance de notre cornemuse locale, en 1990, grâce à l’École de veuze de La Garnache, dans le sillage de la Fédération des sonneurs de veuze.
Sources : Archives de la Vendée (article collé dans les cahiers de l’abbé Grelier) ; Ecole de veuze de La Garnache ; recherches LNC.
© Les Nouvelles de Challans, 31 octobre 2021 – Didier LE BORNEC