Pourquoi cette branche accrochée au mur de certaines maisons jusqu’au début du 20e siècle ?

C’est la question que l’on peut se poser en regardant de près de nombreuses cartes postales ou photos anciennes. On voit très bien cette branche, par exemple, sur la façade de deux maisons du centre de La Garnache au début des années 1900…

A l’angle de la place de l’Eglise et plus haut dans la Grande rue…

… ou encore à Challans, ci-dessous, sur la bâtisse qui deviendra L’Auberge Louis XIII…

L’enseigne d’un cabaret…

Le dictionnaire Le Petit Robert explique qu’il s’agissait d’un bouchon, mot dérivé de buisson et venu de l’ancien français bousche : « touffe de feuillage pour boucher. » A la fin du 16e siècle, il était devenu « un petit bouquet de paille, » ou « un rameau de feuillage qui servait d’enseigne à un cabaret, » et qui était obligatoire ! Une ordonnance royale de 1680 déclare que « nul ne pourra tenir taverne sans faire déclaration ny mettre bouchon. »

Le « bouchon » n’est pas que lyonnais

Puis, dans toute la France, et pas seulement à Lyon comme on le pense, ce mot « bouchon, » désignera le cabaret lui-même – mais dans les petits villages, ces cabarets n’étaient souvent que de simples maisons d’habitation, souvent celles de propriétaires de quelques pieds de vignes, et cette branche était un signe indispensable…

Dans son Dictionnaire universel, Antoine Furetière (1619-1688) écrit : « Bouchon de taverne : est un signe qu’on met à une maison pour montrer qu’on y vend du vin à pot. Il est fait de lierre, de houx, de cyprès, & quelque-fois d’un chou. Les Taverniers payent un droit de bouchon. »

Furetière exagère peut-être pour le chou… Mais, dans certaines régions on trouvait aussi du buis, ou du genévrier (dans l’Yonne), pour son feuillage persistant. En Vendée, c’était du pin… mais pas toujours…

A l’Auberge Louis XIII, les belles branches feuillues de la première photo se verront aussi bien dégarnies ! C’est l’automne ? Plus loin, deux autres « tavernes » arborent aussi des branches sans feuilles ! Même chose à la Buvette de Challans-ville, arrêt du petit train, futur Café du Commerce, future Rotonde…

Cette pratique du « bouchon » disparaîtra au début du 20e siècle avec la professionnalisation de l’activité, et les « licences… » Sur la carte postale suivante, on distingue encore une branche, vers 1910, sur la maison qui est aujourd’hui le restaurant Mon Bistrot… 

Ou sur le mur du Café de l’Hôtel de ville après 1913 – de nos jours le Café des Sports…

En face se tenait une gendarmerie et une perception…
Enfin, toujours place de l’Hôtel de ville, à l’angle du boulevard Lucien Dodin…

Est-ce que Challans renoue aujourd’hui avec cette tradition ? Nous avons en ville deux bouchons, mais ce sont des restaurants de « cuisine traditionnelle, » et sans référence à la cuisine lyonnaise : Au p’tit Bouchon et Le Bouchon d’or, ancien café Le Cheval d’or, longtemps rendez-vous de la presse locale, avec vue dégagée sur le Champ de foire…

Sources : archives départementales de la Vendée ; archives de la Shenov ; Erick Croizé ; Le Petit Robert ; Dictionnaire universel, Antoine Furetière ; Asepa-environnement ; recherches et documents LNC.


© Les Nouvelles de Challans, 31 août 2025 – Didier LE BORNEC [print-me]