Noirmoutier 1916 – « A toi pour la vie, ton petit Louis qui t’embrasse, » enquête sur une carte postale ancienne

Tout a commencé dans une bourse multi-collections, à Challans, par le plaisir de pouvoir acquérir un original d’une carte postale ancienne d’abord trouvée en fac-similé dans les archives de la Shenov (société d’histoire).

Une version un peu différente, éditée par Artaud-Nozais, avec cette superbe et étonnante photo portant la légende : « Au Marais de Challans – Yoles (Bateaux plats dont les Maraîchins se servent pour naviguer sur les marais… » photo où l’on voit l’une de ces « yoles » au ras de l’eau, transportant de la terre ou du sable, en même temps que femmes et enfants, bébés… Celle du fond n’est pas moins chargée… Elles étaient les péniches du marais !

Le document de la Shenov

Un texte très touchant au dos…

Mais après cette trouvaille, il y eut également, au dos de la carte postale, la découverte d’un texte très touchant, d’une belle écriture, « ornée » disent les graphologues :

« Suis à Challans depuis 1 heure et repars à 2 heures pour Nantes. Ce n’est pas sans avoir le cœur gros que je m’éloigne. Enfin ayons courage et patience. Sitôt rendu je t’écrirai longuement. A toi pour la Vie. Ton petit Louis qui t’embrasse bien fort. »

La carte est adressée à « Mlle Eugénie Pellemelle, » demeurant à Noirmoutier. On imagine que « petit Louis » arrivait de l’île, où il venait de quitter sa fiancée… mais on peut aussi, rétrospectivement, s’inquiéter pour son avenir ! Car la carte postale a été envoyée en juillet 1916… en pleine Première guerre mondiale… et sans doute après une permission, Louis reprenait son rôle de soldat…

L’enquête !

« A toi pour la Vie… » On se demande alors ce que sont devenus Louis et Eugénie, s’ils ont pu vivre leur histoire d’amour… voilà maintenant 108 ans… ? Nous n’avons pas le nom de famille de Louis, mais celui d’Eugénie, et en quelques « clics » nous pouvons la retrouver sur le site de Geneanet ! « Eugénie Marie Pellemèle, » et non Pellemelle, née à Noirmoutier le 4 janvier 1893, et… qui a finalement épousé un « Louis, » six mois après l’envoi de la carte, le 16 janvier 1917. Il s’agit de Louis Georges Alexandre Villain, né le 2 mars 1893, à Noirmoutier lui aussi. Et l’on apprend sur l’acte de mariage – cette fois par les archives de la Vendée – qu’il est alors « marin, actuellement quartier maître de manœuvre mobilisé à bord du cuirassé Bouvines… »

Le cuirassé Bouvines « en rade de Brest, lors de la visite de l’escadre anglaise, le 10 juillet 1905, » (photographie de presse : Agence Rol – © Gallica BnF )

Au bas de l’acte de mariage, on reconnaît bien l’écriture de « Petit Louis. »

Et ensuite ?

Après son mariage, Louis est forcément reparti. Où était-il quand, le 7 juillet 1918, environ quatre mois avant l’armistice du 11 novembre… Eugénie mit au monde un jeune Louis Eugène ?! Heureusement, Louis père reviendra de la guerre, sera médaillé, deviendra « patron au bornage, » ce qui concerne la « navigation au bornage » qui est aujourd’hui la « navigation côtière faite par des bâtiments de moins de 25 tonnes, dans un rayon de 15 lieues marines autour de leur port d’attache… » (Le Petit Robert). Enfin, en 1939, à 46 ans, Louis ne repartira pas à la guerre : sa fiche militaire indique une « réforme définitive… » ayant des problèmes cardiaques… Louis Villain est décédé le 28 novembre 1963, à l’âge de 70 ans, et Eugénie le 25 mars 1977, à 84 ans. Ils demeuraient toujours à « Noirmoutier-en-l’Ile. »

On peut penser qu’Eugénie avait conservé dans ses papiers, « pour la vie, » la carte postale de 1916… Eugénie avait alors 23 ans…

Le port de Noirmoutier-en-l’Ile (Geneanet)

Sources : Les archives de la Vendée ; la Shenov ; Geneanet ; recherches et archives Les Nouvelles de Challans.


© Les Nouvelles de Challans, 26 septembre 2024 – Didier LE BORNEC – (les photos sont optimisées sur PC)

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