La Foire des Minées fête ses 70 ans cette année… mais il s’agit de la foire moderne, dont la première édition eut lieu en septembre 1954. D’ailleurs elle ne reprit ce nom de « Minées » qu’en 1977, s’étant d’abord appelée « Foire exposition du machinisme et du modernisme agricole… » ce qui se transformera en « Foire exposition… »
C’est après la Seconde guerre mondiale que l’ancienne Foire des Minées disparut quasiment, devenant une foire à peine ordinaire – son origine remontait au moins au moyen âge. Mais en 1936, trois ans avant le début de la guerre, la Foire des Minées était encore à son plus fort, et le journal le Phare de la Loire en fit une longue et belle description dans un article signé « V.R. » et portant ce titre…
« Des gens de neuf cantons sont venus à Challans pour la Foire des Minées ! »
Ainsi… « Quel est le gars de Beauvoir et de Machecoul et de Palluau et de Saint-Gilles-sur-Vie et de Saint-Jean-de-Monts qui n’est pas allé hier faire un tour à la foire de Challans ? Aussi bien les jeunes gens, fils de fermiers et de bordiers [métayers] que les valets ont chômé « dans le travail… » Et… autre époque… « Surtout, quelle est la jeune fille d’un des neuf cantons qui entourent la capitale du Marais qui ne s’est pas dérangée ? Un proverbe ne dit-il pas, répété avec malice par les voisines, qu’une jeune fille restant alors à la maison n’a pas la vocation du mariage ? »
« Lundi, deuxième jour de la foire des Minées, fut (…) le jour de vente des aulx et des bois. Les mêmes marchands restaient pour le mardi. Ils étaient tous là, marchands d’ail habitant le pays de Challans et de l’entre Saint-Gilles : tout le long des trottoirs, ils attendaient les acheteurs, installés derrière leurs étalages. Et quel pittoresque ils présentaient, derrière ces sortes d’échalas où pendent les « tricottes » d’aulx, d’oignons, d’échalotes. « Ces fameux oignons, qui ont donné le nom à la foire, montés en liasses à deux branches », bien propres, « brillant comme le cerisier des armoires », certains font le voyage de la Roche-sur-Yon uniquement pour en acheter deux ou trois « tricottes » qu’ils échangent pièce contre cent sous ».
« Près de là, les vanniers de Saint-Georges-de-Pointindoux, occupent une autre place. A Saint-Georges, on naît et on meurt vannier en bois de châtaignier, comme à Saint-Laurent-sur-Sèvre et à Mortagne, du moins autrefois, on naissait et on mourait tisserand ».
« Les vanniers comptent beaucoup sur cette foire, qui demeure pour eux une forte journée de vente. A même sur le sol, ils ont posé tous leurs travaux tissés de larges fibres de châtaignier, balles mères qui servent dans le Marais, à ramasser le linge ou à cueillir – honni soit qui mal y pense – les « bouzats » (1), les balles filles ou troisièmes, les balles quatrièmes qui s’imbriquent les unes dans les autres (…) Et chaque pièce souvent ne revient qu’à quarante sous ».
(1) Ou bousat : bouse de vache séchée qui servait autrefois à se chauffer.
« Tout autour de la place, au long ses maisons, les marchands de bois se tiennent devant leurs étalages de perches brunes de châtaignier qui, suivant leur grosseur, feront des aiguillons ou des ningles, perches blanches en cerisier qui feront des manches.
« Les gens des alentours d’Aizenay ont dû, la veille, fortement saccager leurs « gites » pour en avoir emporté tant. Les acheteurs passent aussi entre des tas de larges madriers, un peu équarris, qui, percés de trous, formeront les « essèpes » ou barrières sur les près du marais, entre des brouettes, des échelles, des tas d’« ambiers » à mettre au joug des attelages ».
Dans les cris et les fortes odeurs…
« Partout ailleurs à travers la ville, comme aux jours de foires ordinaires, le marché aux chevaux, le marché au gros bétail, le marché aux poulets et aux canards continuent parmi les cris des bêtes et des gens, les fortes odeurs…
« Autour de la salle des fêtes, le vacarme assourdissant des chansons diffusées, sans arrêt, sur un ton résigné, emplit l’air. Il n’est que onze heures du matin et, déjà, dans la « cohue » qui tourne et retourne, parfois formant dans les rues deux courants opposés, dans la poussière qui s’élève du sol repiétiné sans relâche, bousculé, vous retombez de l’épaule de l’un sur l’épaule de l’autre.
« Entre les femmes qui ont fini leur marché ou au beurre ou aux poulets ou aux canards, des vieux passent et s’arrêtent de baraque en baraque, portant comme prétexte au voyage – car ils n’ont pas grand’ chose à vendre – un panier qui renfermait « une poule ou un coq réformés ».
« Hors du grouillement, du piétinement de la foule, les rues bordées de maisons basses restent à peu près désertes, mais tout au long des murs, remplissant la moitié du passage, on trouve des voitures « imbriquées (comme les paniers) les unes dans les autres » les timons levés ».
« Dans les auberges il en est de même : dans les écuries, toute la place est prise par les juments, par les ânes, qui le matin, au long des routes du Marais et du Bocage ont amené les femmes et les anciens à la « foire de commerce ».
« Maintenant, il est midi, on croise partout sur les chemins des jeunes gens et des jeunes filles en bandes, qui pédalent vers Challans. Comme dans toutes les « foires de septembre de Vendée », la « Jeunesse » tiendra le haut du pavé et par son entrain et par sa gaieté. – V.R. »
Sources : Le Phare de la Loire (archives de la Shenov) ; Shenov ; les archives de la Vendée ; geneanet.org ; recherches et documents LNC.
© Les Nouvelles de Challans, 30 mai 2024 – Didier LE BORNEC