1940 – « L’éclairage à la résine dans le Marais de Monts par un témoin oculaire »

Le 14 octobre 1940, dans le journal Le Phare de la Loire, Marcel Baudoin publie un article intitulé : « L’éclairage à la résine dans le Marais de Monts par un témoin oculaire (1863). » Ce témoin n’est autre que l’auteur, et s’il donne des détails oubliés sur la vie dans notre région au 19e siècle, il éclaire également les débuts de l’Occupation par les nazis…

« Le docteur Marcel Baudoin, » né à Croix-de-Vie le 15 novembre 1860, décède dans cette même commune le 29 janvier 1941 : son article paraît donc un peu plus de trois mois avant sa mort – il avait 81 ans. Marcel Baudoin était médecin – très impliqué dans la modernisation des soins – mais aussi historien de la Vendée, « savant préhistorien, » archéologue, journaliste scientifique… Sa sœur, Yvonne Cacaud-Baudoin, l’aida grandement dans son travail d’historien – elle est également la fondatrice du musée et du groupe folklorique « Bise-Dur » de Croix-de-Vie. Yvonne décédera un mois après son frère, le 25 février 1941…

« L’éclairage à la résine dans le Marais de Monts par un témoin oculaire (1863) »

« Par suite de la raréfaction absolue de l’essence, le mode d’éclairage préhistorique que j’ai connu, il y a près de 75 ans, va renaître ! On va refaire des chandelles de résine, en même résine qu’autrefois, celle des Landes, et non celle de nos sapins de Vendée (forêts d’Olonne, de Monts, créées en 1865 seulement). »

Récolte de la résine de pin dans les Landes…

« En 1864, j’ai vu, dans le fond de la grande cheminée de l’ancien Prieuré de Beaumanoir, à La Barre-de-Monts, brûler de sa flamme vaillante, la mince chandelle jaune cire, raboteuse, piquée et allumée par mon aïeule elle-même, la maîtresse de maison !

« Un petit bout de branche, à l’extrémité fendue au couteau, placée horizontalement, dans la fente duquel était fixé, vertical, le pauvre appareil d’éclairage d’alors ! »

« Là-bas, on disait rouzine, et non « résine ». Le trou, dans lequel s’enfonçait le support s’appelait le « poiron » (la « pierre » trouée) d’après un vers célèbre de la non moins fameuse Chanson de la Guillanneu !… » [le Jour de l’an – ndlr]

Coin de forêt à Saint-Jean-de-Monts… c’est un peu les Landes…

« Dans l’âtre brûlaient surtout des « bouzas » et de grosses cosses de bois, comme de nos jours encore. Mais les cosses y seront rares demain, et on a déjà perdu la coutume de faire des bouzas, au voisinage de Fromentine… !

« La résine avait été remplacée, depuis 1870, par la fameuse « lampe à huile » et, récemment, par la « lampe à pétrole » dernier cri. Depuis peu, une « lampe électrique » flamboie devant la place de la chandelle et cet antique vestige des « Moines de Saint-Nicolas » de 1789.

« Le terme « bâton de résine », employé dans un vers du regretté Georges Boisson, le poète mort à Croix-de-Vie, n’est pas une expression patoise.

« Les Veillées vendéennes, p. 1 et 2 [Contes en vers, 1892 – ndlr].

« En réalité, ce bâton éclaire à peine le foyer, d’une lumière douteuse ; mais il est indiscutable qu’il « pétille » souvent, pendant qu’il brûle ; phénomène qu’on n’observe jamais, bien entendu, avec des « chandelles de suif », les vraies « chandelles de cire » et les bougies.

*

« Passons aux artistes de Vendée. Aucun d’eux, je crois, n’a figuré de « chandelles de rousine » en place.

« Dans le grand pastel de Milcendeau, qui correspond à la cuisine de Naulleau, de Soullans, on ne voit que la lampe à pétrole. Ce tableau est, d’ailleurs, récent. Il n’en est pas moins admirable…

« Souvent, dans le Marais de Monts, on appelle les « chandeliers à résine », qui sont rares désormais, des jeannots. Je ne sais plus où j’ai, jadis, entendu prononcer ce terme, désormais oublié !

*

« J’ai eu la curiosité de relire un ouvrage sur l’« Eclairage », exposant tous les procédés connus depuis la Révolution, et j’ai cherché, bien entendu, ce qui a trait à l’« éclairage à la résine » !

Savez-vous combien de pages sont consacrées, dans ce volume de 150 pages, à cette sorte d’éclairage ? « Pas une seule page ». C’est à peine si j’ai pu y découvrir une seule « ligne » consacrée à la résine ! »

De nos jours encore, sur internet, on ne trouve que de très rares mentions concernant ce type d’éclairage… et aucune illustration.

« C’est dire que tout le folklore mondial de ce mode d’éclairage est inconnu du monde entier. Et on peut ajouter que pas un seul auteur vendéen, traditionaliste ou non, n’a abordé cette question. C’est à peine si, çà et là, dans ses belles recherches sur le folklore de Vendée, de la Chesnaye a cité parfois, en quelques mots, l’emploi de la rousine.

« Le travail est donc à faire en entier, et, pour un spécialiste, l’occasion est belle.

« Qui rédigera ces lignes ? Il faut un Vendéen, bien entendu, et surtout un originaire du Marais de Monts, car la « résine », dans ce marais, a un relent particulier, son odeur à elle, qu’elle emprunte surtout aux personnages au milieu desquels elle brûle, sans se douter de son rôle.

« Sa flamme mince, étirée, évidemment toujours fumeuse, toujours agitée par les brises de l’océan, si légères soient-elles, n’a pas l’allure calme et paisible de la « rouzine » du « Bocage » et, par exemple, des fermes des sources de la Vie et du Journay, au pourtour de La Roche-sur-Yon…

« Qui fera parler la résine moderne et sa flamme ? Mais, cependant, ce ne sera plus celle de 1863, qui avait une allure à elle et une ambiance que les écrivains de 1940 ne peuvent pas connaître et ne peuvent soupçonner…

« MARCEL BAUDOUIN. »

Dans les années 1900 – cliché de Marcel Delboy (1882-1941) photographe et éditeur à Bordeaux

Sources : archives de la Shenov ; recherches et documents LNC.


© Les Nouvelles de Challans, dimanche 29 juin 2025 – Didier LE BORNEC

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